Le 8 décembre, deux ONG, Village suisse ONG et Cipina (Centre d’information et de promotion de l’image d’une nouvelle Afrique) organisent au Palais des Nations, avec l’accord du service des affaires culturelles de l’ONU, une «Journée internationale des ONG».
Le programme est ambitieux: conférences-débats sur des thèmes aussi pointus que celui des migrations ou le rôle des ONG dans les objectifs du développement durable. Des échanges ponctués de remises de prix et de moments de convivialité tels que l’inauguration d’une exposition et un cocktail.
L’affiche est d’autant plus alléchante que les deux ONG qui se prévalent du soutien des missions du Maroc et du Cameroun annoncent la présence du directeur général de l’ONU et d’une pluie d’ambassadeurs et de personnalités.
{{L’avocate se méfie}}
«Des ONG du monde entier prendront part à cet important événement qui est une première au niveau suisse et même international», lit-on sur les documents édités à cette occasion. Sur le papier, l’événement paraît sérieux. L’invitation porte le logo créé pour le 70e anniversaire de l’ONU. Pourtant, le 8 décembre, rien ne se passe vraiment comme prévu. Salle XVI, où doivent se dérouler les débats, les premières places où sont inscrits les noms des diplomates et personnalités attendues sont toutes vides. Certains des conférenciers attendus sont absents. Pas de trace non plus de l’avocate genevoise qui doit remettre «le manuel de la Déclaration universelle des droits de l’homme». Jointe par la Tribune de Genève, cette dernière explique avoir finalement décliné l’invitation parce qu’elle manquait d’informations sur ce qui allait se passer au cours de cette journée. «J’ai joué la prudence. J’ai bien fait!» explique-t-elle. Tout laisse à penser que le manuel qu’elle allait devoir remettre était celui édité par l’Eglise de scientologie.
Le 8 décembre, au fond de la salle, une femme suit discrètement les travaux. C’est l’une des hautes responsables de l’Eglise de scientologie en Suisse. Il y a quelques années, elle s’est rapprochée du fondateur de Village Suisse ONG, Adalbert Nouga, pour diffuser ses techniques de formation et de développement personnel, inspirés par l’enseignement de Ron Hubbard, auprès des femmes africaines, notamment. Dans les revues scientologues, elle tresse des lauriers à Village suisse ONG, qu’on trouve associé à plusieurs événements organisés par l’Eglise de scientologie. Contacté, Adalbert Nouga répond qu’il ne met aucune barrière religieuse et qu’il travaille avec tout le monde. Pour lui, cette proximité avec l’Eglise de scientologie ne porte pas à conséquences et ne devrait donc pas poser de problèmes.
Le fondateur de Cipina, les missions diplomatiques et même l’ONU ignoraient cette proximité. Ditidane Diouwara est tombé de sa chaise en l’apprenant. Le 8 décembre, le directeur de la Cipina a bien senti que quelque chose clochait mais il s’est d’abord employé à sauver la journée en encourageant les quelques participants à formuler des recommandations pour qu’elles soient transmises aux Etats dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs du développement durable.
{{Matériel découvert}}
La présence des scientologues dans les couloirs de l’ONU embarrasse. Tous les pays ne considèrent pas l’organisation fondée par Ron Hubbard comme une secte même si ses méthodes jugées agressives lui ont valu des condamnations, notamment en Europe. Visiblement, la journée du 8 décembre ne s’est pas déroulée comme les scientologues le souhaitaient. Au lendemain de cette drôle de Journée des ONG, le personnel d’entretien de l’ONU a découvert, caché sous des escaliers, un carton encore fermé rempli de dizaines de DVD de l’Eglise de scientologie. Sur une étiquette Fedex, l’adresse du destinataire initial: «Eglise de scientologie, rue des Acacias 12, 1227 Geneva».
Source : http://www.tdg.ch/news/standard/scientologie-derriere-journee-ong/story/21467920
Genève internationale
Par Alain Jourdan
18.01.2016