Devant la chambre criminelle, les avocats de la scientologie, classée en France parmi les sectes par plusieurs rapports parlementaires mais considérée comme une religion aux Etats-Unis et dans quelques pays européens, ont soulevé de nombreux moyens pour tenter de faire annuler l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 février 2012.

Cette décision a confirmé la condamnation des deux structures parisiennes de la scientologie, le Celebrity Centre et sa librairie SEL, à des amendes de respectivement 200.000 et 400.000 euros.

Reprochant aux prévenus d’avoir profité de la vulnérabilité d’anciens adeptes pour leur soutirer de fortes sommes d’argent, la justice avait condamné cinq scientologues.

Parmi eux, Alain Rosenberg, «dirigeant de fait» de la scientologie parisienne, et Sabine Jacquart, une ex-présidente du Celebrity Center, condamnés à deux ans de prison avec sursis et 30.000 euros d’amende pour escroquerie en bande organisée.

«Il est rare qu’une Eglise soit qualifiée de bande organisée et soit condamnée au titre que le message qu’elle diffuse soit une escroquerie», a plaidé devant la Cour de cassation leur avocat, Me Louis Boré.

Pour lui, la décision de la cour d’appel «choisit entre les bonnes et les mauvaises religions», et il ne lui appartient pas de se «transformer en tribunal de l’inquisition» qui viendrait différencier les «vrais croyants» des «faux dévots».

«On essaie de disqualifier l’Eglise de scientologie», a-t-il poursuivi, «une religion, c’est une secte qui a réussi».

«Paroissiens captifs»

Comparaison avec l’islam, le judaïsme ou le christianisme à l’appui, jouant parfois de traits d’humour, l’avocat a par exemple soutenu que l’électromètre, instrument onéreux censé mesurer «les changements dans le mental de l’individu ou dans son état d’esprit», ne serait «pas plus étrange qu’un chapelet ou une kippa».

«Aucune Eglise n’est poursuivie au motif que le message qu’elle porte est faux», a ajouté Me Boré.

«Ce que vous venez de dire n’entre pas dans le champ de réflexion du juge républicain», lui a rétorqué Me Claire Waquet, avocate de l’Unadfi, association de lutte contre les dérives sectaires, qui de son côté conteste le rejet de sa constitution de partie civile.

«Ce n’est pas la question» de savoir si la scientologie est ou non une religion, a lancé l’avocate aux magistrats de la chambre criminelle.

Si «l’étiquette religieuse est opposable», «la République a le droit de dire +je ne veux pas la lire+», «il ne faut pas avoir peur de l’écarter des débats», a-t-elle plaidé.

Les poursuites et la condamnation se sont fondées «uniquement sur des infractions à la loi pénale», a insisté l’avocat général, qui a préconisé le rejet des pourvois, hormis sur un point mineur, l’allocation de dommages et intérêts à une partie civile qui s’était désistée.

Pour le magistrat, il s’agit de défendre contre des «escrocs en bande organisée», des «citoyens devenus leurs paroissiens captifs dont ils ponctionnent sans vergogne la fortune par tous les moyens».

Les avocats des prévenus ont également attaqué de nombreuses décisions rendues pendant l’instruction et contesté le déroulement du procès en appel, que les prévenus et leurs avocats avaient quitté à la sixième audience.

Ils ont également discuté la définition du médicament, pour tenter de faire tomber les condamnations prononcées pour «exercice illégal de la pharmacie». Une fois effectués des tests de personnalité, qui aboutissaient dans la plupart des cas à des résultats négatifs, les adeptes doivent se livrer à des séances de purification et se voient prescrire des cures de vitamines.

«Il y a une vraie violation de la liberté religieuse», a dénoncé après l’audience Eric Roux, porte-parole de la scientologie française.

La Cour de cassation rendra sa décision le 16 octobre.

source : AFP et LIBERATION