{{L’Église de scientologie doit répondre devant le tribunal correctionnel de Paris, à partir de lundi, « d’escroquerie en bande organisée ». En cas de condamnation, elle pourrait être dissoute}}

Au siège de l’Église de scientologie à Paris, l’état d’alerte est maximal. Les déboires judiciaires de l’organisation ne sont, certes, pas nouveaux. Plusieurs de ses membres ont déjà été par le passé condamnés par les tribunaux français. Mais jusqu’ici, les juges n’y ont jamais vu rien d’autre que de simples dérapages individuels. « Cette fois, la justice s’en prend aux méthodes dont use systématiquement la Scientologie, et pas seulement aux agissements de certains de ses responsables », se félicite Me Olivier Morice, avocat des parties civiles.

L’Association spirituelle de l’Église de scientologie est poursuivie, en tant que personne morale, pour « escroquerie en bande organisée » par trois plaignants. Une première. Par ailleurs, sept personnes physiques membres de l’association sont renvoyées devant le tribunal non seulement pour escroquerie, mais aussi pour exercice illégal de la pharmacie, après une plainte déposée par le conseil national de l’Ordre des pharmaciens.

Plus précisément, l’Association spirituelle de l’Église de scientologie est suspectée d’avoir trompé « les victimes à l’aide de manœuvres frauduleuses » ; de les avoir « persuadées faussement que le Centre de scientologie était en mesure d’identifier et de résoudre leurs difficultés psychologiques » ; et d’avoir exercé sur elles une emprise psychologique avec pour « seul but de capter leur fortune ».

{{“Electromètre”}}

Les juges vont donc, à partir de lundi prochain et pendant une dizaine de jours, tenter de mettre au jour les pratiques de l’association. Et surtout, bien évidemment, les plus sujettes à polémique. À commencer par le recours à « l’électromètre », cet appareil électrique vendu par l’organisation 4 847 € et censé « mesurer les variations de l’état mental d’une personne et tirer ainsi des conclusions sur sa personnalité ». L’ordonnance de renvoi voit dans cet appareil « un leurre destiné à donner un aspect scientifique à une opération qui n’a rien de tel ».

Autre cible du juge d’instruction : les vitamines vendues par l’association. Selon le magistrat instructeur, elles plongeraient les nouvelles recrues dans « un état de fatigue extrême » et occasionneraient « une dé-socialisation progressive, des difficultés professionnelles, et finalement un état de sujétion ». « Il existe suffisamment d’indices aujourd’hui pour affirmer que ces états de fatigue et de sujétion sont volontairement recherchés par la doctrine scientologue elle-même », renchérit le juge.

L’ordonnance de renvoi fait enfin une large place à « l’obsession » de l’association « pour le rendement financier ». Pour ce faire, le magistrat instructeur cite un document émanant du fondateur de la Scientologie, Ron Hubbard (décédé en 1986), qui précise aux responsables de son organisation : « Vous devez vouloir à tout moment contrôler chaque personne qui entre dans votre bureau, (…) dès cet instant jusqu’à l’étape finale de la signature du chèque. »

{{“Dérapages individuels”}}

En défense de l’Église de scientologie, l’avocat Patrick Maisonneuve assure que les éléments constitutifs de l’escroquerie ne sont pas réunis autour de la personne morale, et que seuls des dérapages individuels ont pu être constatés. Dans l’hebdomadaire L’Express (daté du 14 mai), le célèbre pénaliste ne recule pas devant un parallèle avec l’Église catholique : « La découverte d’un curé pédophile ne permet pas de mettre en cause toute l’Église catholique. J’attends de l’accusation qu’elle démontre que la Scientologie est une bande d’escrocs qui avait l’intention de l’être. »

Un parallèle révoltant pour Me Olivier Morice : « L’Église catholique n’a jamais prôné la pédophilie dans ses enseignements ! Alors que les méthodes dont usent les responsables de la Scientologie appliquent, à la lettre, la doctrine de leur organisation. »

Marie BOËTON

La Croix, 18.05.09