Alors que la scientologie cherche à implanter son siège français à Saint-Denis, près de Paris, un ancien membre de la secte révèle dans un livre choc « Un milliard d’années* » le calvaire qu’il a vécu. Entretien.

La Scientologie, fondée aux Etats-Unis dans les années 60, est avant tout une entreprise commerciale dont le but est de gagner de l’argent par tous les moyens, même ceux que la morale et la loi réprouvent. Le fondateur de ce mouvement, Lafayette Ron Hubbard, était un auteur de science-fiction. En 1950 il publie dans une revue spécialisée un article sur la Dianétique, une théorie fumeuse d’éveil spirituel. Puis un livre. Succès immédiat. Des clubs de dianétique se créent un peu partout aux Etats-Unis puis ailleurs dans le monde.
Plus tard, en 1967, Ron Hubbard fonde la « Sea Organisation » ou « Organisation maritime » qui devint le groupe de gestion international de l’Eglise de scientologie. 1975 la Sea Org s’installe à Clearwater (Floride), nouveau siège mondial.
En 1977, éclate le scandale Snow White, nom de code d’une opération grandiose lancée par la Scientologie pour infiltrer et faire disparaître les dossiers qui contenaient des allégations défavorables à l’Eglise et à son fondateur, Ron Hubbard. Cette opération a été menée dans 136 organismes gouvernementaux, ambassades et consulats de plus de 30 pays. Plusieurs hauts responsables furent poursuivis et condamnés. Mais pas Ron Hubbard.

« Secte absolue »

En France, l’église de scientologie et son fondateur ont été condamnés par le tribunal de Paris pour escroqueries. Mais le jugement a été annulé par plusieurs décisions judiciaires au début des années 80.
Le succès de la dianétique et de la scientologie à travers le monde est tel que des personnalités célèbres du monde de la politique, du sport ou du spectacle ne cachent pas leur affiliation.
En 1993 la scientologie est reconnue aux Etats-Unis, d’un point de vue fiscal, comme une religion. En France, un rapport parlementaire de 1995 classe la scientologie comme secte. Six ans plus tard, la MILS (Mission interministérielle de lutte contre les sectes) définit la scientologie comme « secte absolue ».

Une emprise sur les cerveaux

Que reproche-t-on exactement à la scientologie ? Ses méthodes, plus que ses idées farfelues, ses liens avec les extra-terrestres et autres balivernes. Et notamment, la manipulation mentale de ses membres, hommes, femmes et enfants. L’emprise exercée sur les personnes plus ou moins fragiles psychologiquement. Une église dans laquelle on entre facilement mais dont on ne sort que très difficilement. Ou alors avec des blessures psychologique irrémédiables lorsqu’on s’en échappe, comme Lucas Le Gall le raconte si bien dans son livre « Un milliard d’années ». Et puis, il y a l’argent. Dans cette église, où l’on fait trimer les adeptes jour et nuit pour une bouchée de pain, il faut ramasser du fric, beaucoup de fric. De fait, la scientologie est devenue richissime. Si elle est une religion, elle vénère un seul Dieu : le dollar !

* « Un milliard d’années- Dans les secrets de la scientologie » de Lucas Legall- Le Cherche Midi éditeur.

Dans « les secrets de la scientologie »

Entretien avec Lucas Le Gall (c’est un pseudo) auteur du livre « Un Milliard d’années- Dans les secrets de la scientologie ».

-Pourquoi ce titre?

-C’est le contrat que j’ai signé avec la scientologie car les scientologues prônent la vie éternelle.

-Comment avez-vous été enrôlé dans ce mouvement?

-Mes parents ont été enrôlé dans la scientologie quand j’avais 10 ans. J’ai dû travailler pour « l’Eglise » à temps complet dès l’âge de 14 ans. A 15 ans et demi je suis parti pour le Danemark puis en Californie, au sommet de la pyramide.

-Que faisiez-vous?

-L’organisation vend des services et des bouquins : apprentissage de psychothérapie et vente d’auditions. L’entreprise est structurée comme toutes les entreprises, avec une direction générale, informatique, direction de l’éthique. Il y a aussi une cellule communication et marketing… J’ai occupé de nombreux postes.

-Pourquoi parle-t-on de secte?

-Toute la mécanique repose sur l’emprise. Jusqu’à gérer la vie sociale de ses membres vis à vis des autres. Ce qui conduit à se séparer des autres membres de sa famille, de ses amis. L’emprise est à tous les étages.

-C’est ce que vous avez subi?

-Je consacre un chapitre à l’ambiance familiale. Et j’explique le peu de confiance que j’ai eu, très tôt, pour les adultes. Je vois bien que ces gens font n’importe quoi. J’ai eu une sorte de méfiance qui, avec le temps, m’a permis de détricoter tout ce que j’avais vu et entendu. J’ai décidé de partir, de m’échapper.

-Quand?

C’est en 1984, le jour de mes 18 ans. Je parle d’évasion car je vivais dans un véritable camp, avec clôture et caméras. L’organisation vous prend vos passeports pour mieux vous tenir. J’étais à l’organisation maritime, que peu de gens connaissent. Mes parents étaient restés en France. Quelques mois après mon évasion, ils se sont fait virer pour « insuffisance de résultats ». La scientologie a un seul objectif : l’argent!

-Combien de membres y a-t-il dans la scientologie?

-Les seuls chiffres que nous avons sont ceux de la scientologie et ils sont faux. Ils annoncent toujours plus d’adeptes qu’il n’y en a.

-Que faites-vous aujourd’hui?

-Je suis d’une nature résistante. Je pense que j’en suis sorti, que je suis sauvé. Mais quand je me suis évadé, à l’âge de 18 ans, je n’avais aucun diplôme. Je ne connaissais rien du monde dans lequel j’allais évoluer. Le corps est tellement mal traité par la scientologie (mal-bouffe, manque de sommeil, absence d’hygiène… ) que l’on apprend à vivre en dehors de son corps. Par exemple, j’ai porté pendant des années des chaussures trop petites de deux pointures, je ne comprenais pas pourquoi. On a des séquelles pendant des années. On ma infligé de mauvais traitements, des tortures, même, pendant des années. Si bien que l’on finit par couper toute communication avec son corps. Le but : c’est de soumettre et d’assurer la servitude. C’est une structure carcérale.

-Pourquoi le dites-vous aujourd’hui?

-Par devoir de responsabilité, comme le font les lanceurs d’alerte. Il y a en France entre 50 et 90.000 gosses qui subissent peu ou prou des violences dans des sectes. Le silence est complice de ces exactions. c’est un devoir de citoyen.

source :

Infodujour.fr

14 septembre 2020

par Emilien Lacombe

https://infodujour.fr/societe/39908-la-scientologie-secte-ou-religion