Selon le New Yorker, le FBI suspecterait l’organisation de trafic d’êtres humains. L’Eglise aurait exploité et sous-payé ses fidèles, affirme le magazine, qui décrit des méthodes parfois violentes.

L’Eglise de Scientologie serait dans le collimateur du FBI. Une longue enquête du magazine américain le New Yorker affirme que le bureau fédéral aurait ouvert en 2009 à Los Angeles une investigation pour trafic d’êtres humains. L’Eglise, classée comme une secte en France mais considérée comme une religion aux Etats-Unis, serait notamment soupçonnée d’avoir exploité ses fidèles. Interrogé par la presse, le FBI ne confirme ni n’infirme l’existence d’une telle procédure.

L’enquête de 42 pages du New Yorker, intitulée l’Apostat, repose sur les témoignages de plusieurs anciens membres, dont le scénariste et cinéaste Paul Haggis. Le réalisateur de Collision a quitté avec fracas l’Eglise en 2009, au bout de 34 ans. Son récits et ceux des autres témoins décrivent des méthodes de management des fidèles parfois violentes qui rentrent dans la définition californienne du trafic d’être humains. Le Golden State englobe dans ce terme aussi bien la prostitution que l’esclavage. Ce dernier est défini, en partie, par le recours à la coercition, l’emprisonnement, les menaces et la violence psychologique. Or, une partie de ces mauvais traitements se profilent dans plusieurs témoignages d’ex-membres.

A les en croire, l’Eglise sous-paierait, voire ne verserait pas de salaire aux fidèles qui travailleraient au sein de «Sea Org». Cette institution, l’équivalent d’un ordre religieux, comprend 6.000 membres et assure notamment l’entretien des propriétés de l’Eglise. Ces personnes, dont certains sont encore des enfants, signent des contrats de travail d’un milliard d’années, affirme le New Yorker. Ils reçoivent une allocation hebdomadaire de 50 dollars et des cours de scientologie gratuits. Cette allocation est souvent amputée, dès que les quotas de productivité ne sont pas atteints ou quand les volontaires ne participent pas aux leçons. Selon le New Yorker, les «Sea Org» réaliseraient également des travaux chez des hauts responsables de l’Eglise, dont Tom Cruise. Un «déserteur» assure avoir retapé une moto et un aérogare pour le plus célèbre des scientologues. Une allégation niée par les représentants du comédien.

Des camps de rééducation

Lorsqu’ils sortent du giron de L’Eglise, les «Sea Org», surtout ceux qui ont commencé jeunes, ont beaucoup de mal à intégrer la vie active, pointe le New Yorker. Lorsqu’ils tentent de partir, assure l’hebdomadaire, on leur remet une facture, parfois de plusieurs milliers de dollars correspondant aux heures de leçons qu’on leur a prodiguées. Face à ces critiques, l’organisation fondée en 1953 par L. Ron Hubbard assure respecter le code du travail, y compris celui relatif au travail des enfants. Les contrats signés par les «Sea Org» ont juste une valeur ecclésiastique et l’Eglise n’exige pas le paiement de la note, précise-t-elle.

L’enquête du New Yorker suggère par ailleurs une culture de violence dans l’Eglise. Son chef David Miscavige aurait prôné aux responsables de «Gold base», un des QG de l’organisation, une discipline agressive et aurait même frappé des adhérents, selon le journal. Par ailleurs, les «Sea Org» «manquant à leurs responsabilités ecclésiastiques» seraient envoyés dans l’un des sites de «Rehabilitation Project Force», décrits par des ex-fidèles comme des camps de rééducation punitive. Certains y seraient restés près de dix ans, effectuant des travaux manuels et suivant des cours. D’autres transfuges ont mentionné au New Yorker l’existence d’un centre d’isolement et d’une équipe chargée de rattraper les fuyards.

L’Eglise dénonce des mensonges

Face à ce réquisitoire du New Yorker, l’Eglise a dénoncé un tissu de mensonges d’anciens membres amers. «Cet article ne fait que ressasser des allégations déjà réfutées par l’Eglise. Celle-ci n’est au courant d’aucune enquête la visant», explique l’organisation, qui rappelle qu’une plainte pour trafic d’êtres humains déposée par un couple apparaissant dans le récit du magazine a été rejetée en 2009.

Par Constance Jamet
LE FIGARO : 09/02/2011
http://www.lefigaro.fr/international/2011/02/09/01003-20110209ARTFIG00607-la-scientologie-accusee-de-mauvais-traitements.php