Par Charlotte Menegaux

[http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/04/16/01016-20100416ARTFIG00748-quand-la-scientologie-surfe-sur-la-vague-high-tech-.php->http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/04/16/01016-20100416ARTFIG00748-quand-la-scientologie-surfe-sur-la-vague-high-tech-.php]

{{27/04/2010}}

{Application iPhone, multiplication de blogs et sites plus ou moins transparents, réseaux sociaux… La Scientologie et plusieurs mouvements sectaires trouvent dans les nouvelles technologies des moyens efficaces d’étendre leur influence et de recruter de nouveaux adeptes.}

«Le glossaire le plus complet des termes de Scientologie est désormais disponible». Non, vous n’êtes pas sur le site de l’Eglise de la Scientologie, mais sur l’Apple store. Ce glossaire, le «Scientology Terms Pocket Book» est une application (en anglais) pour l’iPhone vendue 0,79€, qui propose de décrypter la doctrine scientologue. Entre autres définitions, on trouve que celle-ci «enseigne que nous sommes des êtres spirituels immortels».

La Scientologie – considérée comme une église aux États-Unis mais comme une secte en France – trouve dans les nouvelles technologies des outils efficaces pour développer sa présence. Si Frédéric Grossman, du bureau des relations publiques de l’organisation en France, admet une stratégie volontaire sur le Net, elle n’aurait pour but que de « pouvoir expliquer qui nous sommes réellement, et contrer toutes les fausses informations qui circulent sur nous». Le site français revendiquait 600.000 visiteurs uniques en 2009. Officiellement, une seule personne travaille à plein temps sur le web et coordonne les nombreux sites et blogs tenus par des bénévoles, comme par exemple «Terra incognita», («magazine en ligne sur le mental et l’esprit humain» qui «vous propose de partir en expédition non pas dans l’espace, mais au cœur de l’Homme»).

Mais la présence en ligne du mouvement va bien au-delà de ces seuls sites, selon la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) qui pointe du doigt «ces sites où les scientologues sont plus ou moins transparents». Exemple : celui de la «Commission des citoyens pour les droits de l’Homme», censé dénoncer «les abus de la psychiatrie». Le combat acharné des scientologues contre les psychotropes et les internements est de notoriété publique, mais sur la page d’accueil de la CCDH, il n’est fait nulle part mention de la maison-mère, à savoir l’Eglise de Scientologie.

Autre méthode très rodée : le travail sur le référencement. «L’un des objectifs des mouvements sectaires est d’être bien situé dans les moteurs de recherche» explique Henri-Pierre Debord, conseiller à la Miviludes. «Pour ce faire, ils détournent bien souvent des noms qui ont un sens commun, pour en faire un territoire protégé, comme ‘confiance en soi’, ‘réagir face à son stress’ ou ‘assurer son contrôle mental’» précise-t-il. Ainsi les scientologues ont-ils par exemple investi le terrain de la lutte contre la drogue : quand on tape «drogue» dans Google, le site dédié au sujet par la secte, «Non à la drogue, oui à la vie», sort dans les dix premiers résultats.

{{E-fishing, la pêche aux nouvelles recrues}}

La Scientologie est également très active sur les réseaux sociaux, même si elle assure n’avoir pas de stratégie particulière dans ce domaine. Le blogueur Yann Savidan raconte comment «la Scientologie recrute sur Twitter». Il relate son refus d’accepter l’église parisienne parmi ses «followers», c’est-à-dire dans son réseau Twitter, alors que celle-ci était venue le solliciter. «J’ai suffisamment étudié le rapport Vivien (NDLR : le rapport de référence sur le sujet, publié en 1985 ) pour ne pas assurer la promotion de Ron Hubbard et encore moins pour avoir les fidèles du gourou dans mes followers» tacle Yann savidan.

Sur le blog «Camille d’essayage», la blogueuse explique être tombée sur une bannière publicitaire pour la Scientologie à la fin d’un quiz en apparence anodin «Quel personnage de Pincess blog êtes-vous?» sur Facebook : «Placer une publicité pour une secte (disons le clairement) sous un quiz, c’est bien pensé, ça c’est sûr. Eh oui, qui va potentiellement vouloir répondre à un quiz ? Pourquoi pas une personne peu sûre d’elle, en proie aux doutes, s’interrogeant, ne sachant pas trop où elle en est? Vos résultats de quiz ne vous satisfont pas? Eh bien allez, venez chez nous!»

Aucune étude de la Miviludes n’existe encore sur l’utilisation des réseaux sociaux par les mouvements sectaires. Mais pour la Mission, il existe clairement une volonté d’occuper l’espace. Et ce, avec une finalité évidente, selon Henri-Pierre Debord : «Ce que j’appellerais l’e-fishing, ou la pêche aux nouvelles recrues».

Une «pêche» facilitée par la quantité de données disponibles via Facebook par exemple. «Les sectes sont friandes de données personnelles et sur Facebook, une partie de ces données est immédiatement disponible». Il suffit en effet de consulter la liste des statuts d’une personne pour en connaître l’humeur et la disposition d’esprit.«La difficulté de vivre est un terreau favorable, et ceux qui manifestent publiquement leur désarroi s’exposent à être démarchés par des mouvements sectaires» insiste le spécialiste.

Dès 2009, la Miviludes avait consacré un chapitre de son rapport 2008 à l’amplification du risque de dérives sectaires avec Internet. : «L’organisation à caractère sectaire peut grâce à Internet approcher les futurs ‘adeptes consommateurs’ de façon appropriée, presque individualisée, décuplant ainsi l’impact de la « phase de séduction» était-il écrit à la page 41. La Miviludes attire donc l’attention des internautes sur les échanges qu’ils peuvent avoir ou des groupes qu’ils risquent de rejoindre sur des sujets comme «la santé, le coaching, le développement personnel, mais aussi l’engagement humanitaire ou les débats contestataires».

{{Guerre virtuelle}}

Comment faire face à l’intrusion grandissante et à la réactivité des sectes dans les réseaux Internet ? En utilisant les mêmes moyens qu’eux. «Nous développons aussi notre veille par ce biais» explique Henri-Pierre Debord. En effet, là où certains mouvements sectaires se contentaient de distribuer des tracts dans la rue, le web leur offre une vitrine d’exception. Même son de cloche à l’Unadfi (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes). Si les deux structures regrettent de ne disposer que «de petites équipes de quelques personnes qui font ce qu’elles peuvent pour assurer une veille efficace», elles se disent «en état d’alerte permanent sur le web».

L’Unadfi compte notamment sur ses bénévoles, dont certains sont inscrits à des newsletters de mouvements sectaires pour être informés. Et il faut ratisser large. Car la prolifération des grands mouvements connus n’est pas la seule inquiétude de l’association, qui surveille aussi de très près «le développement rapide des sites de micro-mouvements de thérapeutes ou pseudo-gourous qui vous promettent monts et merveilles et qui n’existeraient probablement même pas sans Internet».

Une «tâche immense» selon la documentaliste de l’Unadfi, qui souligne par ailleurs le travail acharné de la résistance aux mouvements sectaires sur Internet. Les plus radicaux ont concentré leur énergie sur la Scientologie : ils se font appeler «les Anonymous». Ce groupe, qui ne donne aucun détail sur l’identité de ses membres, mène une guerre virtuelle sans merci contre les scientologues. Il investit massivement les forums et alerte sur les dangers de la secte. Il peut aussi employer des méthodes plus radicales, comme d’envoyer une énorme quantité de données vers le site de la Scientologie à partir de milliers d’ordinateurs différents. Résultat : la machine hébergeant le site ne peut généralement pas tenir la charge, et ralentit jusqu’à s’arrêter de fonctionner. Des «cyberattaques» qui se sont multipliées ces dernières années dans une trentaine de pays.