Le Département a dû intervenir pour bloquer la diffusion d’un DVD, innocent en apparence.

L’affaire s’est déroulée sur plusieurs semaines, durant lesquelles le groupement en question a fait son possible pour promouvoir auprès des établissements un DVD sur l’histoire des droits humains. Au final, fin mai, le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC) a opposé un veto formel avec menace de procédure juridique.

Enseigner l’histoire des droits de l’homme à l’école, quoi de plus normal? C’est ce que professe l’association Des jeunes pour les droits de l’homme. Le mouvement a produit un DVD, par ailleurs très bien fait, qui présente les origines et les questionnements ayant conduit à l’élaboration, en 1948, de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Malentendu
En février, la présidente de l’association, Gisèle de Benoit, est venue présenter le DVD à un collaborateur pédagogique du DFJC. Lors de cet entretien, le DVD a été visionné et la démarche de l’association expliquée, «en toute transparence», selon Gisèle de Benoit. Mais il y a eu, semble-t-il, un malentendu sur la question de l’origine de ce DVD. François Sulliger, le collaborateur du DFJC qui a reçu Madame de Benoit, assure que les liens du DVD avec la scientologie n’ont pas été mentionnés.

Recherche sur internet
C’est la raison pour laquelle l’équipe pédagogique n’a pas opposé de refus formel dans un tout premier temps. Mais, en cherchant sur internet, les responsables ont réalisé que l’association Des jeunes pour les droits de l’homme avait des liens avec l’Eglise de scientologie.

La réaction ne s’est pas fait attendre. Le DFJC a ordonné que cessent les envois du DVD aux établissements qui avaient peu à peu démarré entre-temps, sous peine de «recourir aux dispositions juridiques ad hoc».

Serge Martin, adjoint à la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO), commente: «Nous avons demandé à l’association de cesser ses envois et nous avons envoyé une copie du mail aux directions pour les prévenir. Le DVD en soi n’est pas mauvais. Mais il a fallu aller sur internet pour découvrir que l’Eglise de scientologie était derrière.»

Pour l’institution scolaire, une telle révélation ne laisse aucun choix: «L’école est laïque, reprend Serge Martin, et nous ne pouvons pas nous permettre d’accepter la diffusion d’un tel DVD. Le simple lien avec la scientologie l’interdit.»

Gisèle de Benoit estime, quant à elle, que la question de l’enseignement des droits humains est parfaitement «laïque et séculière»: «Nous avons été totalement transparents. Nous avions informé le Département du moment où nous avons envoyé le DVD dans les écoles, et le Département n’a pas émis d’objection à cet envoi. Auparavant, nous avions clairement indiqué que la maison qui a produit le film avait reçu un soutien financier de la part de l’Eglise de scientologie internationale.»

Loi scolaire
Elle interprète l’interdiction du Département comme une volonté de «censurer» un film pourtant en libre accès sur le web. Une telle décision, selon elle, «porte atteinte» à des droits fondamentaux, en particulier le droit des enfants à recevoir une éducation inculquant le respect des droits de l’homme.

De son côté, le DFJC invoque simplement sa propre loi scolaire et son règlement, qui stipulent que l’école «respecte les convictions religieuses, morales et politiques des enfants et de leurs parents», mais que «toute forme de propagande» y est interdite. On l’aura compris: les DVD ne seront pas utilisés en classe. Du reste, le Plan d’étude romand comprend déjà un chapitre sur les droits de l’homme. Un enseignement qui pourrait, notamment, prévenir leur récupération par des mouvements pour le moins controversés.

Retrouvez l’interview de la sociologie Brigitte Knobel, directrice du Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC), dans le journal 24 heures de vendredi.

source : la Tribune de Genève
Par Lise BourgeoiG
é_ juin 2013