L’Eglise de scientologie propose de sevrer les accros à l’héroïne ou au crack. Avec des méthodes douteuses et dangereuses.
Italienne, jeune et héroïnomane, F. meurt du sida. Elle a développé la maladie dans un centre Narconon, l’antenne de l’Eglise de scientologie spécialisée dans la lutte contre la drogue. F. était séropositive. Ses “soignants” ne l’avaient juste pas diagnostiquée. Avant de succomber, F. avait confessé que toutes sortes de produits prohibés circulaient dans le centre, où elle était littéralement internée.
Les paradis artificiels, on y entre facilement. Plus compliquée est la sortie. Parmi ceux qui proposent de s’extirper de la galère : Narconon, qui agit aussi sous l’appellation de Fondation pour un monde sans drogues. On sait la Scientologie investie dans la fabrique des “Clairs“, c’està- dire des surhommes, à partir des pauvres loques que nous serions avant d’être éclairés par ses lumières. Alors, des accros à l’héroïne, à la cocaïne, au crack ou même à la marijuana, c’est encore mieux pour la démonstration. Ils constituent des proies faciles, plus vulnérables.
Des centres Narconon, il y en a dans le monde entier. Officiellement, pas en France. Installée près de Dijon, la première officine avait été fermée en 1984 à la suite du décès d’une jeune femme, victime d’une crise d’épilepsie, et transportée trop tard dans un hôpital. Aujourd’hui, l’Eglise songerait à ouvrir un nouveau centre. En attendant, jamais elle ne retoquera une brebis égarée. En tapant “toxicomanie“ ou “drogue“ sur le net, on est discrètement renvoyé à quantité d’adresses sectaires, dont Non à la drogue, oui à la vie, autre émanation de l’Eglise.
On arrête toute prise de drogue, et on compense par la prise de vitamines
La méthode Narconon est calquée sur les stages de “purif“ de la Sciento. On arrête toute prise de drogue, tout de suite. Et on compense par l’absorption de quantités astronomiques de vitamines, notamment de la niacine, et par un minimum de quatre heures de sauna quotidiennes. Ce gavage intensif, quasi disciplinaire, dure entre trois et quatre mois. Et coûte bonbon.
Il n’y a sans doute pas de bonne méthode pour décrocher. Reste que les effets induits par un sevrage brutal peuvent être violents : outre les risques d’épilepsie et d’hallucinations, celui d’un arrêt cardiaque. Rien que ça. Un médecin, Armelle Guivier, qui a consacré sa thèse aux risques d’atteinte à l’intégrité physique encourus par les adeptes de sectes, a listé ces dangers.
La Sciento s’en contrefiche. Elle conchie médecins et psys, ses rivaux. Mais la dépendance n’étant pas que physiologique, il faut aussi un suivi psychologique. Or, Narconon prétend le donner. Chaque centre est théoriquement placé sous la responsabilité d’un médecin… scientologue ! Et peut-être même pas médecin.
En attendant, l’organisation annonce 70% de succès. Ce pourcentage est à pondérer avec les rechutes. Ce qui ramène les réussites en dessous de la barre des 10%. En mars dernier, David Edgar Love, ancien “étudiant“ (patient) devenu cadre du Narconon de Trois-Rivières au Canada, poste une vidéo sur internet dénonçant la fatwa dont il est victime. Il a claqué la porte de l’organisation qu’il jugeait “criminelle” pour l’avoir forcé à mentir sur les chiffres. Apostat, Love !
LES INROCKUPTIBLES / 29 septembre 2010
Numéro Spécial Drogue