1. D’où vient cette secte?

La communauté Lev Tahor, fondée par Shlomo Elbrans dans les années 80, s’installe à Sainte-Agathe-des-Monts au début des années 2000. Le groupe compte 250 membres répartis en 42 familles.

Lev Tahor, qu’on peut traduire par « coeurs purs », est ce qu’on appelle un groupe néohassidique. C’est-à-dire que ses membres adultes proviennent généralement de familles israéliennes non pratiquantes et ont choisi délibérément de se convertir et de vivre selon les préceptes d’un judaïsme fondamentaliste et sous le joug de leur gourou.

De ce fait, le groupe a soulevé, en Israël, l’ire des familles des membres convertis. Leurs plaintes ont d’ailleurs trouvé des échos auprès des autorités et des médias israéliens. De plus, le groupe croit que l’État d’Israël n’est pas légitime, puisque selon les textes sacrés, seul Dieu peut redonner la Terre sainte au peuple juif. Or, les accords de 48 n’ont pas été signés par Dieu…

Cet antisionisme a causé beaucoup de tensions entre les membres de Lev Tahor et les Israéliens. Ce qui a d’ailleurs convaincu les autorités canadiennes d’accorder au fondateur du groupe le statut de réfugié au Canada.

Le groupe va donc vivre tranquillement au Québec sans qu’on s’occupe de lui pendant près de 10 ans. Or, divers incidents attirent l’attention du Centre jeunesse des Laurentides en 2010.

2. Qu’est-ce qui a attiré l’attention des autorités?

La fille du fondateur du groupe dénonce son père au personnel de l’hôpital de Sainte-Agathe et prétend avoir peur d’être mariée de force. Elle a 14 ans à l’époque.

Un autre membre du groupe fuit la communauté de Sainte-Agathe et alerte les services sociaux juifs, qui eux-mêmes entrent en contact avec la DPJ.

Deux jeunes filles israéliennes envoyées par leurs parents pour être mariées à Sainte-Agathe vont faire l’objet d’un mandat d’Interpol. Leurs grands-parents non religieux étaient contre ces mariages de mineurs arrangés.

3. Que lui reproche la DPJ?

Outre certains problèmes d’hygiène, de discipline excessive et, bien sûr, ces histoires de mariage de mineurs, la DPJ constate que les membres de Lev Tahor contreviennent à la Loi sur l’instruction publique, en ne scolarisant pas leurs enfants selon les normes en vigueur. Au Québec, tout enfant de moins de 16 ans a le droit de recevoir une éducation conforme au programme défini par le ministère de l’Éducation. Or, le groupe fondamentaliste n’enseigne pas les matières de base : mathématiques, français, anglais, etc.

On travaille donc avec les Lev Tahor pour mettre en place des cours qui répondent aux normes. Or, les Lev Tahor, qui croient fermement que notre éducation pourrait pervertir leurs enfants, décident de quitter le Québec pour l’Ontario, où la loi en matière de scolarisation est moins rigide.

4. Où en sont les démarches judiciaires?

Le 18 novembre, les Lev Tahor quittent le Québec pour la région de Chatham-Kent, dans le sud-ouest de l’Ontario. Le 27 novembre, le tribunal québécois de la jeunesse ordonne que 14 enfants de la secte (deux familles) soient placés en familles d’accueil. En février, un juge de la cour ontarienne homologue le jugement québécois, mais donne 30 jours aux Lev Tahor pour en appeler de cette décision.

En mars, ce que la DPJ des Laurentides craignait se produit : les deux familles visées par le jugement Hamel (novembre) s’enfuient encore une fois. Destination : Guatemala.

Une des deux familles est interceptée comme elle se trouve en escale à Trinité-et-Tobago, et elle est rapatriée au Canada. Dès leur retour, les enfants de cette famille sont placés dans des foyers d’accueil. Une jeune femme de 17 ans en fuite avec son nouveau-né est, elle, interceptée en Alberta. Tous les deux sont aussi placés. Six enfants sont toujours au Guatemala et n’ont pas l’intention de rentrer.

Le 14 avril, la juge Templeton, de la Cour supérieure de l’Ontario, a décidé qu’il était dans le meilleur intérêt des enfants qu’ils demeurent dans les foyers où on les a placés en Ontario. Elle réfute les velléités du Québec de rapatrier ces enfants pour les placer en familles d’accueil. La juge estime que puisque les parents vivent désormais en territoire ontarien, cette histoire concerne maintenant les services sociaux de l’Ontario qui, dit-elle, sont tout à fait capables d’agir dans ce dossier.
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2014/04/14/009-secte-lev-tahor-4-questions.shtml

Radio-Canada.ca
14 avril 2014
Les explications d’Émilie Dubreuil