Dirigée par le professeur Michael King de l’University College de Londres, cette enquête a été effectuée par une équipe de médecins généralistes auprès de plus 8000 personnes, dans sept pays, sur une période d’un an. Elle conclut que les personnes ayant une pratique religieuse ou des préoccupations spirituelles sont touchées de manière plus intense par la dépression que les personnes ayant une manière de vivre plus terre-à-terre. Plus l’inclinaison religieuse ou spirituelle était forte au début de l’étude, plus le risque de dépression s’est révélé important. Et, lorsque les personnes montraient des symptômes dépressifs, leur religion ou leur spiritualité ne les aidait pas à aller mieux ; dans certains cas elle était même un facteur aggravant. Ces résultats indiquent donc qu’une perspective religieuse ou spirituelle affaiblit le bien-être des individus au lieu de le fortifier. Cela va à l’encontre de l’idée généralement admise (y compris dans le monde de la psychiatrie) d’un effet protecteur des pratiques religieuses et des croyances spirituelles face à l’adversité.
Ainsi religion et spiritualité nuiraient à la santé mentale des individus. À moins que les préoccupations religieuses et spirituelles soient le signe d’une fragilité mentale préalable. La quête de sens que ces préoccupations révèlent ne serait alors qu’un moyen inefficace, voire même délétère, de pallier cette fragilité. Voilà qui paraît bien étrange. En effet, comment expliquer que les préoccupations religieuses et spirituelles ont traversé les âges, dans toutes les cultures de l’humanité, depuis que l’être humain est humain ? De récentes études ont montré que la quête de sens est, avec la quête de plaisir, une condition essentielle pour connaître ce que nous appelons le bonheur. Dès lors, est-il légitime de considérer les préoccupations religieuses et spirituelles comme le signe d’une pathologie latente ? La réponse à ces questions réside peut-être dans la définition que le professeur Michael King et son équipe attribuent à la religion et à la spiritualité. Pour eux, la religion implique une pratique régulière au temple, à l’église, à la mosquée ou à la synagogue, et la spiritualité suppose la croyance en une force ou en un pouvoir extérieur à soi. Cette définition de la spiritualité me paraît étroite et tendancieuse car, pour beaucoup d’entre nous, le chemin spirituel est d’abord celui d’une expérience intime qui aide à comprendre l’esprit de soi, des autres et du monde. Le spiritus latin est le souffle qui anime le vivant, les liens qui existent entre toutes choses et qui donnent la vie. La spiritualité n’est donc pas forcément une aliénation. Au contraire, elle est une science – la science des liens. La science de l’amour. Je crois qu’il est important de ne pas laisser s’installer la confusion dans les définitions que nous avons de la spiritualité car cela pourrait permettre à la science matérialiste de diaboliser l’une des expériences les plus fondamentales de notre condition d’être humain.
Que la croyance en l’existence d’une force extérieure puisse, dans certains cas, révéler une fragilité mentale et générer un sentiment d’impuissance prédisposant à la dépression, est facile à imaginer. Cependant, nous le savons d’expérience : lorsque la spiritualité aide à comprendre l’importance de l’amour, nous connaissons une joie bien différente de n’importe quel état dépressif.
source: Psycologies.be
19/11/2013 12:26