Le ministère de l’Education nationale a publié, le 30 mai, un vade-mecum sur « La laïcité à l’école », sous la forme d’une vingtaine de fiches visant à apporter des réponses juridiques et des conseils d’action aux équipes éducatives. Mais les fiches concernant les menus avec/sans porc à la cantine, la facturation de la restauration scolaire durant la période de ramadan, la célébration de Noël dans l’enceinte de l’école ou encore l’accompagnement aux sorties par des mamans voilées… intéresseront de près les élus locaux et les agents des collectivités.
Les repas sans porc : ni un droit, ni une obligation
La fiche n°11 sur les « Repas différenciés » commence par rappeler que « cette question relève de la collectivité territoriale » et que « le fait de prévoir des menus distincts convenant aux pratiques confessionnelles des élèves ne constitue ni un droit pour les usagers, ni une obligation pour les collectivités territoriales ».
Si la collectivité décide de le faire, cela « ne doit pas conduire à des regroupements d’élèves, par exemple par tables distinctes dans un réfectoire, selon les pratiques alimentaires » et « veiller à ce que ces différenciations ne soient pas l’occasion de pressions entre les élèves ».
De plus, « on ne pourra accepter la demande d’une famille de préparer pour leur enfant un panier repas sur le modèle de celui mentionné par le projet d’accueil personnalisé (PAI) » réservé aux élèves présentant « un handicap ou un trouble de santé invalidant ».
Parmi les conseils de l’Education nationale : « rappeler aux parents le caractère facultatif du service de restauration scolaire » et « que l’accommodement que constitue le repas de substitution ne constitue pas un droit, mais une pratique ». En direction des personnels de cantine : qu’ils veillent à « respecter les convictions et les choix individuels sans jugements ni assignation identitaire ».
Précision importante : un agent du service public municipal « ne saurait être garant de l’observance d’une pratique religieuse ».
Que répondre aux parents d’un élève qui demandent que soit accordée une « remise d’ordre justifiée par une pratique religieuse » (ramadam, kippour, carême…) ? Cette question est abordée dans la fiche 12. Il est dit que la collectivité peut, « si elle l’estime opportun », prévoir ce motif de remboursement et d’exonération des frais de cantine, mais uniquement si ce motif est prévu dans le règlement intérieur du service de restauration de l’établissement (lequel est arrêté par la collectivité).
Que faire quand la santé de l’enfant est en danger ?
Plus grave : quelle attitude adopter lorsque des parents imposent à leur enfant, pour des motifs « religieux ou philosophiques », un régime alimentaire spécifique ou des refus de soins susceptibles de mettre sa santé en danger ? Premier réflexe (fiche 13) : « engager un dialogue avec les parents et l’élève ». C’est le directeur d’école (ou le chef d’établissement) qui conduit ce dialogue. S’il n’aboutit pas et si le mineur est en danger ou risque de l’être, « tout membre du personnel » doit informer par écrit de la situation le président du conseil départemental en adressant « une information préoccupante » au Crip (cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes). Selon les territoires, ces informations sont à adresser soit directement à la cellule départementale, avec copie à l’inspecteur d’académie, soit à l’inspecteur d’académie qui transmet à la cellule départementale.
La fiche suivante interroge sur la mise à disposition d’un lieu de prière dans les internats et les classes transplantées dans le cadre de voyage scolaire. Le principe est que » les conditions de la liberté de culte doivent être assurées, mais ne doivent pas heurter la liberté de conscience des autres élèves » et notamment « ceux qui partagent la chambre ». Dès lors, « il peut être opportun que le chef d’établissement l’autorise à disposer ponctuellement d’une salle où, à sa demande, il pourrait exercer son culte autrement que sous le regard de ses camarades », conseille le ministère de l’Education nationale. « Dans cette hypothèse, la salle en question devra être ouverte à tous les élèves qui feraient, individuellement, la demande de pouvoir y disposer d’un moment de tranquillité et de méditation qui peut être d’ordre religieux ou non », ajoute-t-elle.
Le sapin de Noël est-il considéré comme appartenant à la tradition chrétienne ?
« Dans quelle mesure est-il possible de célébrer les fêtes sécularisées dans les écoles et établissements publics d’enseignement (par exemple, Noël ou Halloween) ? » aborde la fiche 16. La réponse est oui on peut mais le directeur de l’école (ou le chef d’établissement) doit « s’assurer que la manifestation ne s’accompagne, sauf circonstances particulières, de l’installation d’aucun signe ou emblème à caractère religieux et, ainsi, n’exprime pas la reconnaissance d’un culte ni ne marque une préférence religieuse ». Dès lors, le sapin de Noël est-il considéré comme appartenant à la tradition chrétienne ? Réponse du ministère : « Issu de multiples traditions, d’abord païennes, l’arbre mêle aujourd’hui de nombreuses symboliques. (…) Le sapin, symbole d’une fête largement laïcisée, peut être installé à condition qu’il ne revête aucun caractère cultuel dans sa présentation ou dans sa décoration ».
Le devoir de neutralité des personnels du service public (fiche 18) impose qu’ils » ne doivent marquer aucune préférence à l’égard de telle ou telle conviction, ni donner l’apparence d’un comportement préférentiel ou discriminatoire, notamment par la manifestation de leurs convictions religieuses ». Cela concerne naturellement les Atsem « dans toutes les activités menées durant la journée dans les locaux scolaires » : dans le cadre de la garderie, de la classe, de la restauration scolaire, ou des activités périscolaires.
Le port de signes religieux ne peut être interdit aux parents
En revanche, le port de signes religieux ne peut être interdit aux parents d’élèves délégués ou assistant à une rencontre dans l’établissement. Mais les chefs des établissements scolaires « peuvent apporter des restrictions à la liberté d’expression des parents d’élèves si des considérations liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation ou à l’ordre public l’exigent, ou si le comportement des parents révèle la volonté ou l’intention de développer de la propagande ou du prosélytisme religieux ou politique ».
Concrètement : « les parents d’élèves peuvent entrer dans l’établissement scolaire alors qu’ils portent un signe ou une tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». D’autre part « les parents d’élèves régulièrement élus pour siéger dans un conseil d’école ou un conseil d’administration et qui arborent un signe religieux ne peuvent être empêchés d’y siéger pour ce seul motif ».
De même, « les parents d’élèves peuvent, lorsqu’ils participent à l’encadrement d’une classe en sortie scolaire, porter un signe ou une tenue par lequel ils manifestent une appartenance religieuse, sauf si leur comportement ou leur discours traduisent une volonté de propagande ou de prosélytisme ». Toutefois, « les IEN (NDLR : inspecteurs de l’Education nationale) du premier degré, les directeurs d’école et les chefs d’établissement peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, recommander aux parents d’élèves de s’abstenir de manifester leur appartenance religieuse lorsqu’ils participent, sous la responsabilité de l’institution scolaire, à l’encadrement de sorties ou d’activités éducatives ».
La question des aumôneries
La fiche 15 aborde la présence des aumôneries dans les établissements publics. Pour le premier degré, c’est clair : il n’est pas prévu d’aumônerie, « l’instruction religieuse doit être donnée, si les parents le désirent, à l’extérieur des locaux et en dehors des heures de classe ».
Dans le second degré, il faut distinguer les établissements avec internat des établissements sans internat. Dans le premier cas, l’institution du service d’aumônerie est « de droit » sur demande des familles et l’instruction religieuse est donnée dans l’enceinte de l’établissement. Dans le cas des établissements dépourvus d’internat, l’institution du service d’aumônerie est facultative et, si elle a lieu, elle est proposée en dehors des horaires de cours et, « en principe, hors de l’enceinte de l’établissement » mais « elle peut être exceptionnellement dispensée à l’intérieur des établissements si la sécurité ou la santé des élèves le justifie, sur autorisation du recteur d’académie, après avis du chef d’établissement ».
Dans les deux hypothèses, les aumôniers sont proposés à l’agrément du recteur d’académie par les autorités religieuses
source:
caissedesdepotsdesterritoires.fr