C’est dans une ambiance encore nimbée de “consensus” et d'”union nationale” que Najat Vallaud-Belkacem a présenté, mercredi, à la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale son plan (250 millions d’euros sur trois ans) pour la restauration des valeurs républicaines à l’école.
Plus de deux heures d’échanges avec les députés qui ont pu poser à la ministre 23 questions. La ministre de l’Éducation nationale joue une grande partie de sa crédibilité sur le déploiement de ce plan qui est apparu d’une urgence absolue après les attentats. Dans bon nombre d’établissements scolaires – le recensement exact n’est pas aisé -, les minutes de silence n’ont pas été respectées, révélant ainsi l’ampleur d’une crise laïque et républicaine au sein d’une partie de la jeunesse. Une crise en vérité latente depuis une bonne dizaine d’années, comme le soulignait déjà le rapport Obin de 2004 dont on lira à profit la page 32. Voici les principales mesures annoncées, et leurs limites…

Former les enseignants

La première idée : aider les enseignants à aborder avec les élèves des questions aussi pointues que la laïcité, les limites de la liberté d’expression ou encore l’histoire des religions, indépendamment du fait de croire ou non. Les enseignants seraient eux-mêmes formés par 1 000 personnes spécialisées dans ce domaine. Mais des voix sont apparues, chez les députés, pour dire qu’il ne fallait pas créer une “matière nouvelle” comme “l’islamologie” mais qu’il était plus judicieux de fondre cet enseignement dans le cursus existant. L’enseignement de l’histoire semble le plus propice…

Un “parcours citoyen” de 300 heures

Comment s’articulera exactement le “parcours citoyen” promis par la ministre du primaire au lycée ? Ce n’est pas encore très clair. Dès septembre, cependant, l’éducation civique fera son entrée comme une matière à part entière à raison d’une heure par semaine. L’enseignement du “parcours citoyen” avoisinerait, au total, 300 heures du primaire au bac. Reste une question : que faire des élèves rétifs à cet enseignement ? Un voyage à Auschwitz est-il réellement de nature à faire cesser le négationnisme ou le relativisme de certains élèves ? Contraindre les enfants à participer à toutes les commémorations de la République – c’est l’une des idées du plan – aura-t-il l’effet favorable souhaité ?

Sur ces sujets, “l’école ne peut pas tout”. Ce dont tout le monde convient, à droite comme à gauche. Comment demander à des professeurs de fabriquer de petits républicains en série lorsque, dans les familles, les parents ont démissionné (quand ils ne soufflent pas un vent hostile aux valeurs de la France), laissant les enfants livrés à eux-mêmes ou face au Web, théâtre de toutes les désinformations ? Défi immense.

Transmettre les savoirs

Najat Vallaud-Belkacem a reçu l’approbation des députés UMP en annonçant que l’on devait surtout consolider la vocation première de l’école : la transmission des savoirs. “C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal”, a-t-elle dit, citant Hannah Arendt. La ministre a insisté sur la maîtrise du langage et de l’écrit. Au collège, deux matières seront renforcées : le français et les mathématiques. La chronologie dans l’enseignement de l’histoire redeviendra prépondérante.

Plus de mixité sociale au collège

Najat Vallaud-Belkacem propose également d’accroître la mixité sociale, notamment au collège en revoyant la sectoratisation des établissements. Il est également question d’inclure davantage les parents — et notamment ceux qui ne maîtrisent pas la langue française — afin que leurs enfants trouvent leur chemin. Mais là, l’expérience montre que les parents des décrocheurs sont bien souvent ceux qui ne se déplacent pas aux réunions des parents d’élèves. “C’est la raison pour laquelle il faut que l’Éducation nationale se rapproche des collectivités locales qui gèrent l’action sociale afin que, dans ce cas, une assistante sociale aille frapper à la porte des familles pour voir ce qui se passe”, indique la ministre au Point.

Faire l’expérience d’un média

Pour éviter l’auto-radicalisation ou toutes les confusions possibles, la ministre annonce qu’un enseignement spécifique à l’usage et au décryptage des médias sera systématisé. “Il faut aussi que les élèves fassent eux-mêmes l’expérience d’un média dans chaque collège”, détaille-t-elle. Le maniement concret de la liberté d’expression exigera des élèves qu’ils en apprennent les limites, les contraintes, et qu’ils se prémunissent contre l’exposition excessive de leur intimité sur le Net et les réseaux sociaux.

Des mesures pour restaurer l’autorité

Enfin, la ministre a évoqué la restauration de l’autorité au sein de l’école. “Toutes les incivilités dans le cadre scolaire devront faire l’objet d’un signalement”, a-t-elle indiqué. Les députés se sont regardés en souriant, devinant l’ampleur de la tâche… L’enseignement de la politesse sera instauré. Mais les professeurs réussiront-ils là où, manifestement, les parents ont échoué ? La pré-scolarisation des enfants de moins de 3 ans, encore facultative, sera de ce point de vue encouragée. La ministre constate cependant que ce sont les parents au chômage, souvent en détresse sociale, qui ne jugent pas nécessaire de placer en pré-scolarité leurs jeunes enfants puisqu’eux-mêmes sont à la maison…

source : par EMMANUEL BERRETTA lepoint.fr