Le professeur de criminologie, ancien grand maître du Grand orient de France, rappelle les grands principes de cette loi sur la laïcité, méconnue et malmenée.
Avant la manifestation controversée dimanche à Paris contre l’islamophobie, un temps soutenue par des responsables de gauche qui ont rétropédalé, Alain Bauer, l’ancien grand maître du Grand orient de France, revient sur le débat sur le voile en France. Son dernier livre, « Les Protecteurs, une histoire intérieure et intime de la gendarmerie nationale », est publié aux éditions Odile Jacob.
Faut-il réformer la loi de 1905, qui fonde la laïcité à la française, ou ne surtout pas toucher à son équilibre ?
ALAIN BAUER. Il faudrait déjà commencer par la lire ! La plupart de ceux qui en parlent ne l’ont pas lue, pas plus que les débats parlementaires qui ont conduit à son adoption. Ce devrait être obligatoire. Résultat : les ultra-laïques pensent qu’elle est leur « cathédrale », alors qu’elle représente au contraire leur défaite. Et ceux qui la jugent trop dure oublient qu’elle fut un instrument de compromis. À l’époque de son adoption, deux France s’affrontaient depuis qu’une bulle papale avait édicté que la République et les droits de l’Homme n’étaient pas compatibles avec l’église.
Les laïcs les plus radicaux voulaient quasiment l’interdiction de l’Église catholique centrale en France, ainsi que l’interdiction du port de la soutane — un rappel à ceux qui parlent du voile — et des congrégations (qu’ils obtiendront). La loi de 1905 n’est donc pas une loi de séparation, comme on le dit souvent, mais une loi de coexistence pacifique, une loi de libre exercice du culte sous le strict contrôle de l’Etat. Quant à la réformer, elle a déjà été modifiée de nombreuses fois, par le maréchal Pétain et le général de Gaulle notamment. Elle peut tout à fait évoluer, mais elle est d’une rare modernité.
Sur quel point pourrait-elle progresser ?
Le seul élément important serait le renforcement d’une fondation pour l’islam de France, qui disposerait d’une dotation suffisante pour permettre le libre exercice du culte pour les religions minoritaires ou récentes et imposerait le dépôt des financements étrangers auprès d’elle. Cette question fait débat mais elle a, dans les faits, déjà été résolue il y a cent ans : en 1921, seize ans après la loi de 1905, à l’unanimité de l’Assemblée nationale, qui s’appelait alors la Chambre des députés, sous la présidence d’Édouard Herriot, un laïc affirmé.
La France avait créé la « Société des Habous et Lieux saints de l’islam », autrement dit la mosquée de Paris, et l’avait financée avec une subvention directe de l’Assemblée et une souscription nationale, sous la houlette du Maréchal Lyautey, afin de rendre hommage aux soldats musulmans morts pour la France. À l’unanimité !
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Par Nathalie Schuck