Je ne suis pas un bon chrétien, je l’avoue. Déjà, parce que je suis juif (et même pas un bon juif). Mais je sens en moi un grand élan de compassion envers “les bons chrétiens” américains harcelés de recommandations ces jours derniers par les très, très bons chrétiens.

Un “bon chrétien” ne doit pas boire de café chez Starbucks. Non pas parce que ce serait du jus de chaussettes ou que la franchise est connue pour son ingéniosité à frauder le fisc. Mais parce que Starbucks est “gay friendly”. Le débat fait rage outre-Atlantique. Le pasteur évangélique David Barton, ultra-conservateur, a déclaré le 19 mai, devant une assemblée de vrais bons chrétiens de la Whitesburg Baptist Church de Huntsville dans l’Alabama: “Vous ne pouvez pas boire une boisson dans un Starbucks et respecter la Bible”. Boire du café dans un Starbucks, “c’est donner de l’argent à une entreprise qui participe à la destruction du mariage traditionnel”. En janvier 2012, Starbucks faisait partie des entreprises qui ont publiquement soutenu la loi de l’État de Washington pour le mariage homosexuel.

Un “bon chrétien” ne doit pas regarder “Game Of Thrones”. Le “Trône de fer” est une série télévisée américaine de “fantasy” que je n’ai jamais vue (cela ne fait pas de moi un bon chrétien pour autant, voir plus haut). Wikipédia m’apprend qu'”à travers ses personnages “moralement ambigus”, la série explore les sujets liés à la hiérarchie sociale, la religion, la guerre civile, la sexualité, aux crimes et châtiments”. Mais est-ce qu’un bon chrétien peut regarder “Game Of Thrones”? C’est l’occasion d’un de ces débats intenses dont les Américains ont le secret: la série nie les valeurs du christianisme. C’est mal. Mais d’aucuns considèrent qu’elle montre à quoi ressemblerait un monde où le Christ n’est jamais venu ou à quoi ressemblerait notre Terre si le christianisme venait à disparaître. Pour Daniel Muth de la Living Church Foundation: “Pourquoi les chrétiens regarderaient-ils “Game Of Thrones”? Violence et sexe gratuits et dangereux: ce n’est pas nécessaire”.

Un “bon chrétien” ne fait pas d’enfant hors mariage. Christa Dias enseignait l’informatique dans deux écoles catholiques de la banlieue de Cincinnati (Ohio). Elle est célibataire. Déjà, chez son employeur, l’archevêché de Cincinnati, on faisait la moue. Elle est lesbienne. Grimaces à l’archevêché. Elle est tombée enceinte. Fureur à l’archevêché. Par insémination artificielle. Apoplexie à l’archevêché. Vade retro, Satanas. Christa Dias, l’enseignante lesbienne inséminée artificiellement a été virée illico presto, pas manu militari, mais presque. Ainsi, même éventuellement athée, un employé d’une institution catholique devrait se comporter en bon chrétien. Eh bien non, a estimé un tribunal de Cincinnati qui a jugé, lundi 3 juin, que ce licenciement était abusif et accordé 171.009 dollars à Christa Dias. Cette affaire était emblématique aux États-Unis. Il s’agissait de savoir jusqu’où les organisations religieuses pouvaient interférer dans la vie privée de leurs employés.

Et moi, je dis: “Mais, bon Dieu, foutez-leur la paix aux bons chrétiens!”

source : http://quebec.huffingtonpost.ca/eric-azan/bons-chretiens-starbuck_b_3402264.html