Cette phrase du chanteur Ian Clarkson n’a pas été prononcée sur la scène de la salle de spectacles de Bar-sur-Aube pour le concert des Jive Aces vendredi soir. Elle l’est dans une vidéo postée sur Internet, sur le site www.scientologie.fr. En France, selon la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Midiluves), la scientologie est considérée comme une secte. Ce n’est pourtant pas sous cette étiquette que ce groupe anglais – « le n° 1 des groupes de jive et swing au Royaume-Uni » – s’est produit dans le cadre du festival Jazz à Bar (lire nos éditions d’hier). À l’issue d’un concert très rythmé, les avis étaient unanimes : quel enthousiasme, quelle énergie ! Il est vrai que leur musique – boogie-woogie et compagnie – est pour le moins très entraînante. Mais le couac est survenu à la sortie de la salle, peu avant 1 h du matin. À chaque spectateur, adulte ou enfant, un carton était remis. Côté face, la photo du chanteur avec ukulélé et cette publicité pour leur titre Bring me sunshine. Un peu plus tôt, en plein concert, une Française – amie du groupe et domiciliée à Paris – était montée sur scène pour expliquer que ce clip vidéo avait déjà été visionné 1,3 million de fois sur Youtube, qu’il fallait le voir et qu’il était classé parmi les dix meilleurs aux États-Unis. Bring me sunshine, « Apporte-moi du soleil » ; une invitation effectivement très intéressante dans la grisaille du quotidien. Le clip prend d’ailleurs en toile de fond la crise, pour mieux penser positif.
Prosélytisme
Au dos pourtant de la carte, le texte en français est très clair et tient à répondre à la question : d’où vient l’énergie des Jive Aces ? « Les Jive Aces l’attribuent aux solutions efficaces du livre La Dianétique du philosophe L. Ron Hubbard. Le chanteur principal Ian Clarkson répond : après avoir lu et utilisé La Dianétique, je peux honnêtement dire que j’ai beaucoup plus d’énergie, ce qui nous aide beaucoup avec notre programme, et je me sens confiant et heureux. Je le recommande à tout le monde. » Et en dessous, le spectateur est invité à cocher la case : « Je souhaite recevoir plus d’informations sur La Dianétique ». En tout petit, en bas de la carte, il est indiqué : « Dianetics is a trademark and service mark owned by Religious Technology Centre… » Du prosélytisme non déguisé en sortie de salle… mais aucunement sur scène. Bien qu’en anglais, les paroles des chansons n’ont pas choqué les anglophones qui se trouvaient dans la salle. Cette pratique a étonné, voire choqué beaucoup de spectateurs qui ont pris la peine de lire ce qu’il y avait indiqué au dos de la carte.
« Nous ne cautionnons absolument pas ça ! »
Avec leurs habits piqués dans l’armoire de Carlos et leur look à la Shirley et Dino, les Jive Aces ne passent pas inaperçus. Cette polémique née à Bar-sur-Aube gêne non seulement les spectateurs mais aussi les organisateurs qui ont le sentiment d’être mis devant le fait accompli. « Nous ne cautionnons absolument pas ça ! », tenait à réagir vivement Jean-Pierre Chouleur, hier. « C’est un orchestre que j’avais découvert il y a trois ans du côté de Montauban. Ils étaient déjà passés à la Huchette chez mon ami Dany Doriz. Ils ne l’avaient pas embêté avec la scientologie. Cette fois, je leur avais bien dit de ne pas faire de prosélytisme sur scène… Mais lorsqu’ils ont distribué leurs cartes à la fin, nous n’avons rien pu faire. Je ne suis pas scientologue et je suis même anti-secte en tout genre. Nous, c’est la musique qui compte. Ce qu’ils ont fait ne retire rien à leur talent. En plus, ce sont des gens charmants… » Connus en Angleterre comme étant membres de la scientologie, les Jive Aces le sont beaucoup moins en France. Le festival Jazz à Bar, qui n’en est qu’à sa troisième édition, n’avait certainement pas besoin d’une telle tuile. Se sentant en quelque sorte trahis, les organisateurs regrettent ce geste maladroit de la part du groupe qui a un peu gâché la fin d’une soirée pourtant très réussie.
Source : L’EST ECLAIR par Willy BILLIARD lundi 12 septembre 2011