{{Jean-Michel Comte, le jeudi 22 octobre 2009

Dans un livre poignant, Antoine Guélaud, journaliste à TF1, retrace le parcours d’une jeune femme qui a succombé à un cancer du sein après avoir été victime de médecins membres d’une secte.}}

Elle s’appelait Evelyne, elle avait 31 ans, elle est morte le 30 janvier 1997, terrassée par un cancer du sein qu’elle n’avait pas voulu soigner à temps. Pourquoi ? Parce qu’elle avait fait confiance à des médecins qui voulaient la soigner autrement que par la médecine traditionnelle. Quand elle s’est aperçue qu’ils étaient des charlatans, membres d’une secte, il était trop tard.

Dans un livre émouvant qui vient de paraître, Ils ne m’ont pas sauvé la vie (*), le journaliste Antoine Guélaud se met dans la peau de la jeune femme pour raconter, à la première personne, l’histoire et le calvaire d’Evelyne. Aujourd’hui directeur adjoint des reportages à TF1, il a évoqué ce cas dans deux numéros de l’émission Le Droit de savoir, en mai 1996 et en juin 1997. Il y a deux ans il a décidé, comme un devoir moral, de lui consacrer ce livre, publié aujourd’hui quelques mois après l’arrêt de la cour d’appel de Douai relaxant, le 17 février dernier, le principal médecin responsable dans cette affaire.
Réincarnation

Pour Evelyne, cadre commercial dans une entreprise de matériel informatique, mariée, mère de deux filles de 1 et 3 ans, tout commence à l’été 1994 par la découverte d’une petite boule au sein gauche. En janvier 1995, elle constate que la boule a grossi, elle va voir des médecins et, le vendredi 24 février 1995 à 10 h 7, on lui annonce sans ménagement, au téléphone, sur son lieu de travail, qu’elle a un cancer. La brutalité de cette annonce ne sera sans doute pas étrangère à la spirale dans laquelle va entrer la jeune femme, malgré les réticences et les avertissements de son mari et de sa mère.

Une rencontre avec Caroline, la nouvelle fiancée d’un ami de longue date de son mari, la convainc d’aller voir deux médecins du nord de la France, le Dr Michel Saint-Omer et le Dr Gérard Guéniot, homéopathes, qui lui disent : « Ecoutez, je pense qu’on peut soigner votre cancer autrement. » La suite, le lecteur le découvrira dans le livre : les médecins sont membres de la secte du Graal, prêchant la réincarnation, refusant vaccinations, chirurgie et antibiotiques. Avec leurs sympathisants, ils vont « soigner » Evelyne par les plantes, les granules, l’homéopathie et un « jeûne purificateur » de vingt-six jours, avant que la jeune femme, ravagée par la douleur, ne s’aperçoive de la supercherie. « J’ai écrit ce texte parce que c’était l’une de ses dernières volontés : que quelqu’un fasse entendre sa voix pour mieux restituer son drame intime », explique Antoine Guélaud, dont la dernière phrase du livre, sur deux lignes, page 284, pèse presque aussi lourd que les 283 qui précèdent.

(*) Ils ne m’ont pas sauvé la vie, d’Antoine Guélaud, éd. du Toucan, 288 p., 18 euros.

France Soir