Il n’est désormais plus possible de ne pas avoir entendu parler du coaching tant cette discipline s’est développée en France au cours des trente dernières années. Et pourtant, beaucoup semblent ignorer les tenants et les aboutissants d’une pratique qui a vocation à toucher de plus en plus de personnes, et ce dans le monde entier.

Il nous est donc apparu absolument nécessaire de traiter – de manière certes trop succincte pour un sujet qui mériterait un ouvrage entier -, dans un même article, de la définition, de l’origine et de la « philosophie » ou « doctrine » de cette nouvelle forme de « thérapie de l’âme ». De surcroît, nous ne pouvions ne pas évoquer son utilisation par les mouvements sectaires, et qui servira d’illustration à notre propos. En effet, le coaching (ou développement personnel) doit être envisagé sous tous ses aspects afin de pouvoir être appréhendé par le profane qui pourrait être tenté d’y voir seulement un moyen de « se sentir mieux », sans être en mesure de percevoir, derrière l’apparence inoffensive et positive du phénomène, sa profonde dangerosité.

Définition du coaching

Le coaching, vocable emprunté au domaine sportif mais avec lequel il ne se confond nullement, consiste en un accompagnement personnalisé visant à améliorer les performances et le « bien-être ». Les termes de développement personnel ou DevPers recouvrent la même réalité et devront être tenus, dans le reste de notre démonstration, comme parfaitement synonymes.

Circonscrit dans un premier temps au domaine du management et de l’entreprise, le coaching a désormais tendance à investir l’ensemble des activités humaines (ce que certains auteurs ont appelé « l’extension du domaine du coaching »).

Il est en effet possible de louer les services d’un coach afin de faire face à de multiples problématiques des plus courantes : arrêter de fumer, surmonter un deuil ou un divorce, séduire, vaincre sa timidité, préparer un entretien, appréhender une reconversion professionnelle… La liste n’est évidemment pas exhaustive. Le praticien ne se contentera pas alors de résoudre la situation de manière ponctuelle, mais délivrera un enseignement visant à la réalisation de soi et au bonheur dans tous les aspects de l’existence.

Enfin, il convient de bien avoir à l’esprit qu’il n’existe qu’une forme de Devpers même si celui-ci peut revêtir différentes apparences de surface. La « philosophie » coaching a un succès phénoménal auprès des professions paramédicales par exemple, c’est pourquoi il n’est pas rare qu’une multitude de disciplines, telles que la psychothérapie, l’hypnose, la médecine chinoise, le yoga, la chiropractie, le bouddhisme, le sport ou tout autre chose encore puissent servir d’accroche à son enseignement. Le corps de la pseudo-doctrine du coaching, que nous envisagerons dans un instant, se cache sous des apparences diverses et variées et il n’est pas possible de comprendre cette unité dans la multitude lorsque l’on ignore que le développement personnel procède en réalité d’une origine unique.

Origine du coaching

Le coaching est une pure émanation de la mouvance New Age. Cette « nébuleuse » mystico-sociale, née dans les années 60 à Esalen en Californie, peut se comprendre comme une fusion de mouvements « spirituels » épars, parmi lesquels le Théosophisme d’Helena Blavatski ou bien encore Le jardin écossais. Préside également à l’édification de cette pensée la récupération des travaux de Carl Gustav Jung, dont les théories vont servir de fondement au développement personnel actuel (se connaître, valoriser ses talents et potentiels, travailler à une meilleure qualité de vie et à la réalisation de ses aspirations et de ses rêves).

Dans la grande ferme de Big Sur, siège de la mouvance, se croisaient pèle-mêle psychothérapeutes, artistes et scientifiques, principalement spécialisés dans l’étude des comportements et du cerveau. Tous se passionnaient pour les écrits d’Alice Bayley et la consommation effrénée de LSD (entre autres). Parmi eux, Richard Bandler et John Grinder, inventeurs de la programmation neurolinguistique (ou PNL) que chaque coach se doit de maîtriser. Étaient également présents à ces réunions Abraham Maslow (la pyramide de Maslow est un must dans l’univers du management) et Carl Rogers, références incontestables pour la profession coaching.

Il ne nous est malheureusement pas possible d’étudier plus en détails les origines de la mouvance New Age, ce qui ne manquerait certainement pas d’intérêt pour en démontrer la malhonnêteté, néanmoins, le lecteur désireux d’aller plus loin trouvera en annexe tous les éléments nécessaires.

Pseudo-doctrine du coaching

Les initiateurs de la « philosophie » New Age se proposaient de changer le monde, en transformant la psyché des individus (la création d’un « homme nouveau » est une constante de toutes les pensées totalitaires), afin de préparer la transition entre l’ère du poisson et l’ère du verseau. Ce faisant, nous pouvons déjà constater qu’ils maniaient d’une manière profondément maladroite des données traditionnelles inspirées de l’astrologie dont ils ne connaissaient absolument rien, sur lesquelles nous ne pouvons nous permettre de revenir, préférant renvoyer le lecteur aux excellents ouvrages de René Guénon, Le théosophisme et L’erreur spirite, dans lesquels sont détaillées et démenties par le menu les élucubrations de ces occultistes de pacotille.

Il faut comprendre qu’il s’agit d’une « religion », centrée sur l’individualisme, parfaitement compatible avec la modernité et plus particulièrement avec le modèle ultralibéral.

Trois principes fondamentaux irriguent l’ensemble de la pensée New Age en général et celle du développement personnel en particulier : la transformation de soi, le syncrétisme et le relativisme.

La transformation de soi consiste à se mettre au diapason de la transformation globale. Les techniques permettant d’opérer cette mutation sont dites de « subjectivation ».

Le syncrétisme, constante absolue de toutes les spiritualités dites « post-modernes », est une conséquence du passage de la croyance de la sphère publique à l’intimité de la vie privée. Il s’agit pour l’individu de composer sa propre spiritualité en piochant çà et là les éléments qui semblent lui convenir. Ainsi le New Age consiste en une habile articulation entre données scientifiques (principalement physique quantique, cybernétique et psychologie mais on pourrait en trouver bien d’autres) et concepts spirituels (méditation, yoga, bouddhisme, christianisme… là encore tout est possible).

C’est pourquoi le New Age se prête à toutes les techniques en accord avec cet holisme syncrétique telles que la PNL, la relaxation, la méditation, le rebirth et l’hypnose pour ne citer que celles-là. C’est aussi en raison de ce syncrétisme que le coaching peut prendre des formes si variées : sport, management, psychologie, techniques de communications interpersonnelles… Cette utilisation de données traditionnelles par ceux-là mêmes qui étaient les moins aptes à en saisir le sens (soit l’américain jouisseur des années 60) est à l’origine d’interprétations purement fantaisistes qui pourraient éventuellement être comiques si elles n’avaient pas une telle influence.

Le relativisme enfin, qui est à notre avis le nœud du problème (et qui a semble-t-il conquis la planète entière), est l’idée selon laquelle chacun de nous aurait sa propre réalité, mais encore que chacun de nous serait en mesure de créer sa propre réalité et d’en poser arbitrairement les critères et les lois. De ce relativisme personnel découle un relativisme moral, qui consiste en une acceptation inconditionnée des systèmes de réalité que chaque individu se sera créés (une absence d’esprit critique sur laquelle nous allons revenir). D’où l’impossibilité, pour un adepte du New Age, de se poser en juge d’autrui (le fameux : « comment oses-tu juger les autres ? » que l’on entend tout le temps) à une exception notable et systématique : il est obligatoire de juger négativement celui qui se refuse à adopter une telle posture ; cela explique pourquoi les gens censément tolérants sont en réalité les plus intolérants qu’il soit possible de concevoir.

De l’articulation de ces 3 principes fondamentaux du New Age – et donc par extension du DevPers – découlent deux corollaires dont l’étude ne peut-être ignorée : la tendance à un déterminisme absolu et l’exhortation à quelque chose que nous nommerions volontiers positivisme si l’expression n’était pas déjà prise et que nous appellerons par défaut « la positive attitude ».

Le déterminisme absolu pour commencer : L’Être étant invité à se transformer pour s’adapter au monde et chacun étant en mesure de créer sa propre réalité, dès lors, il n’existe plus de problème en soi et ne subsistent que des problèmes personnels que le coaché devra résoudre en éloignant de lui les pensées « déviantes » qui le bloquent dans son développement et donc l’éloignent de la réussite, envisagée uniquement comme le succès dans le domaine professionnel. Afin de parvenir à cet objectif démentiel et égoïste de réussite au rabais, le « patient » devra répéter un certain nombre de formules, dont le fond est toujours ultra déterministe (« réussir, c’est croire en sa réussite » ; « échouer, c’est la peur d’échouer » ; « fais de ton rêve un objectif et il se réalisera » ; « il est possible de réaliser ses rêves par la seule force de sa volonté », etc.), empruntées aux papes du coaching américain et que ces derniers déclament devant des foules toutes acquises à leur cause à l’occasion de représentations démesurées (les coachs français ne sont jamais que des représentants de ces vedettes du DevPers). La justification de cette pensée magique s’appuie sur le modèle Switch ou la méthode Coué et s’inspire très largement des mantras, méthode dérivée de l’hindouisme permettant d’accéder à la béatitude, là où le coaching permet seulement d’atteindre, à notre avis, la « bêtitude » la plus profonde.

La « positive attitude » enfin est là encore une conséquence du relativisme et de la transformation de soi en ce sens que le sujet doit faire abstraction des conditions de sa réalisation et appréhender la réalité de manière à être « heureux ».

Anthony Robbins, super star du DevPers (il prétend avoir guéri d’une tumeur au cerveau par la seule force de sa volonté), nous gratifiant d’un discours lénifiant et sans aucun sens. Image qui se partage beaucoup sur Facebook entre adeptes du coaching

Non content de répéter comme des mantras les phrases creuses des gourous du DevPers, les coachs aiment également reprendre des citations d’hommes célèbres afin de s’approprier leur aura. Il s’agit en général de phrases creuses et sorties de leur contexte. Ici Mohamed Ali, musulman, ultra engagé politiquement, objecteur de conscience durant la guerre du Viêt-Nam. Apprécie-t-il de servir de porte drapeau au syncrétisme et au relativisme du New-Age, la réponse est évidemment non.

Même chose avec Albert Einstein. Lui qui en son temps remit en cause l’ordre de l’univers, est-il un bon exemple de développement personnel ? L’acceptation d’idées toutes faites n’étant pas à notre avis sa passion, il convient de répondre encore une fois par la négative.

Interrogeons-nous désormais sur le mystérieux succès de cette sous-spiritualité confuse, dans une époque où la transcendance est rejetée de toute part ; et les raisons de son incroyable popularité, par l’étude de ses objectifs.

Les objectifs du coaching

Il apparaît d’ors et déjà que le New Age, et son bras armé le coaching, sont en totale adéquation avec le système ultralibéral comme nous l’avons vu précédemment. Son objectif est donc de créer un être qui parvient à s’accommoder au capitalisme de marché, trouvant en celui-ci les moyens de sa réalisation personnelle et de son bien-être, et tenant cette pseudo-réussite pour un accomplissement d’ordre spirituel.

Afin de bien comprendre ce que nous entendons par là, nous évoquerons deux aspects négatifs du monde moderne et les moyens par lesquels le coaching se propose de les appréhender, à savoir, la perte de sens des « métiers » et la misère des relations humaines.

Sur les conditions de travail pour commencer.

Le travailleur ancien était appelé au Moyen-Âge l’artifex. Il est une constante des civilisations anciennes que le métier permettait de participer à la Tradition à tel point que l’on a pu dire que « chaque occupation est un sacerdoce ». Le métier est conçu alors comme la manifestation et l’expansion de la nature de celui qui l’exerce, qui est tout à la fois l’artisan et l’artiste. A l’inverse, le travailleur moderne doit faire face à un « désenchantement du monde », pour reprendre l’expression du sociologue allemand Max Weber. Les phénomènes de technicité accrue, de spécialisation et de taylorisme dépossèdent le travailleur du sens de son activité. Ce constat est encore plus vrai dans le cadre d’une économie post-industrielle où le domaine du tertiaire explose. Les individus sont devenus des unités numériques parfaitement interchangeables.

Cette situation, à l’origine d’un profond mal-être, et dont les suicides anomiques ne sont que l’illustration la plus éclatante, doit être absolument niée par le sujet coaché. De tels questionnements sont pour le New Age des comportements totalement négatifs. Le coaché devra se transformer lui-même afin de s’adapter au monde extérieur, lever ses appréhensions en modifiant la manière dont il perçoit la réalité. Il faudra donc faire abstraction de cette perte de sens réelle afin de la remplacer par une nouvelle quête de sens qui est, sempiternellement, dans le cadre du DevPers, la réussite et la fortune. Peu importe les circonstances externes, il faut se réaliser (dans un sens purement matériel évidemment) à tout prix.

Concernant les relations humaines.

Le monde moderne est profondément individualiste. La disparition d’une certaine forme de solidarité et le culte du Soi sont à l’origine d’une grande misère affective et amoureuse. Pour le coaching, là encore, nos déceptions dans ce domaine proviennent non pas des autres mais de nous-mêmes. Il s’agira dès lors d’envisager l’autre comme un moyen de parvenir à nos fins. C’est d’ailleurs toute la philosophie du PNL : en observant le comportement de notre interlocuteur, il est possible d’influencer ses réponses et d’obtenir ce que nous voulons de lui, c’est-à-dire toujours notre réussite professionnel et le « bonheur ». Si la manipulation psychologique ne fonctionne pas, il suffira d’écarter cet autre de ses projets, de la même manière qu’il faut éliminer toutes les pensées et tous les discours « déviants » qui entravent la « réussite », graal absolu du coaching. De là des relations humaines totalement calquées sur le modèle du marketing et de la vente, et entièrement dénuées de spontanéité et de vérité.

Nous constatons que cet état d’esprit parfaitement novateur, comme il n’en a absolument jamais existé, fondé sur des formules toutes faites et une macédoine de techniques disparates pseudo-scientifiques, est en définitive un processus de déshumanisation permettant à l’individu d’être en conformité aux besoins de l’entreprise moderne. Il constitue une médicalisation et une professionnalisation de l’existence. C’est pourquoi certains commentateurs n’hésitent pas à parler, à juste titre, de « bien-être totalitaire ». L’humain doit augmenter sa rentabilité comportementale.

Profitant de l’absence de repères spirituels et moraux, le coaching s’insinue dans la société, et lui substitue une vision amoindrie du bonheur et de l’accomplissement.

Sur le modèle du sportif, animal humain ayant développé au maximum sa force musculaire et qui est le héros éternel des mondes décadents, chacun de nous doit désormais rayonner du soir au matin, comme si la vie était une compétition. Il n’est d’ailleurs pas anodin de constater que l’archétype de l’Homme accompli, s’il est encore possible de parler d’Homme (sous-homme serait plus adapté), est celui du « winner » : costume impeccable, muscles bodybuildés et sourire carnassier.

Pour résumer, le coaching tend à l’avènement d’un être dénué d’esprit critique, devenant parfaitement adapté à une superstructure déshumanisée, niant toute espèce de Réalité autre que la sienne et qui n’envisage l’interaction humaine que comme un moyen de parvenir à ses fins, que sont le bonheur et l’argent. On comprend dès lors mieux le succès d’une telle religion dans un monde néolibéral. On comprend aussi pourquoi, dans une société dont l’objectif est de crucifier toute forme de spiritualité, le New Age est porté au pinacle et fait tant d’adeptes parmi les chefs d’entreprise, les hommes politiques et en règle générale toutes les professions particulièrement destructrices pour le vivre-ensemble, comme la spéculation boursière, la télévision… Mais au-delà de cette clientèle fortunée, le New Age séduit beaucoup de petits étudiants tendance baba cool, de jeunes cadres et de chômeurs.

Le DevPers est une aliénation de l’humain, une religion ultra-simpliste, qui ne dit pas son nom et qui fait logiquement le bonheur des mouvements sectaires de toutes sortes.

Chaîne de montage de l’Iphone 5. Illustration de la “machinisation” de l’être humain. L’idéologie New Age et le recours aux méthodes de coaching de l’entreprise Apple ne sont plus à démontrer (que l’on songe seulement aux présentations de produits de Steve Jobs, surdoué du marketing et du management élevé au rang de prophète).

L’utilisation du coaching par les mouvements sectaires.

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Nous tenons, avant d’aller plus avant dans notre démonstration, à opérer une distinction entre sectes religieuses au sens premier du terme et sectes New Age.
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Les sectes religieuses, quelle que soit la forme traditionnelle qu’elles singent, ont toujours deux objectifs : le schisme ou l’enrichissement personnel, ou un subtil mélange des deux. Dans tous les cas, ces sectes ne peuvent faire l’économie d’une hérésie, c’est-à-dire d’une déviance des doctrines dont elles s’inspirent, et qui sont souvent des vérités ésotériques incomprises.

Pour les sectes New Age, nul besoin de créer une hérésie, leur pseudo-doctrine et déjà un prêt-à-penser pour toutes les structures d’aliénation et le coaching est un moyen extrêmement efficace de s’assurer des adeptes serviles.

Parmi ces mouvements sectaires les plus célèbres nous pouvons citer la Scientologie, les Raëliens, le Mandarom (et son messie cosmoplanétaire), la Grande Fraternité Blanche et toute une constellation de mouvances sur le mode psy. Nous renvoyons le lecteur désireux d’en savoir plus au rapport des commissions d’enquête parlementaires sur les sectes en France datant de 1995 qui, bien que d’une médiocre qualité au regard des moyens mis à la disposition des parlementaires, a le mérite d’exister et ouvre en tout état de cause de nombreuses pistes de réflexions.

Claude Vorilhon, alias Raël, grand adepte du New Age. Sa secte (parfait exemple de syncrétisme) est un mélange d’ufologie, de religion et de sciences (on connaît sa passion pour le clonage) et a fait sa fortune. La plupart de ses adeptes sont américains, population entièrement acquise à la religion du coaching.

Tom Cruise, célèbre scientologue, parfait exemple de l’homme accompli selon la définition du DevPers.

Gilbert Bourdin, messie cosmoplanétaire du Mandarom. Là encore un mouvement dans la plus pure doctrine New Age.

Si le caractère sectaire de ces mouvances ne fait aucun doute et est d’ailleurs considéré comme tel par les pouvoirs publics et la justice, il en est d’autres qui, de par leur nature, sont beaucoup plus pernicieuses et sournoises, preuve encore que le DevPers peut se cacher partout et nourrir tous les desseins.

Pour exemple le MLM (multi-level marketing), ou marketing par palier, plus connu sous le nom de vente pyramidale et dont Wikipédia donne la définition suivante : « forme d’escroquerie dans laquelle le profit ne provient pas vraiment d’une activité de vente comme annoncé, mais surtout du recrutement de nouveaux membres. Le terme pyramidal identifie le fait que seuls les initiateurs du système (au sommet) profitent en spoliant les membres de base. »

Outre le fait de faire miroiter des profits que 99,9% des participants n’atteindront jamais, les systèmes de MLM motivent leur force de vente par les méthodes du DevPers. En effet toute personne saine d’esprit comprend aisément que le fait de recruter à l’infini de nouveaux membres en faisant remonter les gains au sommet de la pyramide est non seulement une escroquerie, mais n’a également aucun sens, sinon l’enrichissement (puisque le produit que ces entreprises sont censées vendre n’est qu’un prétexte à l’édification de la pyramide), si bien que 3 situations doivent être envisagées :

– 1ère situation : la personne se laisse convaincre par les démonstrations fumeuses des représentants de la vente pyramidale, débourse la somme nécessaire pour devenir à son tour vendeur, ne convainc personne, réalise qu’il s’est fait arnaquer et s’arrête. C’est grâce au nombre considérable de ces personnes abusées que le système prospère. Ils constituent le socle de la pyramide.

– 2ème situation : le vendeur se rend parfaitement compte que le système est une escroquerie, il est donc par définition lui-même un escroc et est complice des initiateurs de la pyramide. Il est certes malhonnête mais n’est pas dupe de ses agissements et demeure conscient de transgresser une norme fondamentale, à savoir l’interdiction du vol.

– 3ème situation : et c’est là que l’analogie avec les mouvements sectaires prend tout son sens, le vendeur ne cherche même pas à savoir si le système est une escroquerie ou pas, mais voit seulement son intérêt et croit à l’argumentaire de la société, systématiquement basé sur les présupposés totalement délirants du coaching.

Pour mieux s’en convaincre, il suffit de se rendre sur les sites des revendeurs d’Organogold, entreprise supposément de vente de café aux vertus thérapeutiques exceptionnels (prévention du VIH , d’Alzheimer… ) et de lire leur argumentaire dont nous avons sélectionné quelques extraits probants (ces extraits proviennent de revendeurs indépendants mais ne varient pas d’un vendeur indépendant à l’autre, il est en effet impossible d’accéder au site sans faire partie du « réseau ») :

– « Tout d’abord, il faut savoir qu’au début je ne connaissais rien au « Développement Personnel » jusqu’à ce qu’on me dise que c’est indispensable pour progresser au niveau du MLM »

– « J’ai rapidement compris que le Marketing de Réseau est, de tout ce que l’on connait, le business dans lequel s’appliquent le mieux ces principes, parce que tous les revenus sont basés sur soi-même, sur le mérite et la création de valeur. Avec le Marketing relationnel, nous sommes payés en fonction de ce que nous valons mais pas obligatoirement en fonction de ce que nous faisons. »

– « Dans le marketing de réseau, si nous avons un rêve, un objectif et si nous sommes prêts à travailler pour le réaliser, rien ne peut nous arrêter, sauf nous-mêmes. Pour ceux qui se sont construits avec une attitude pour se faire gouverner et qui ont choisi des solutions de facilité sans ambition : vous faites partie de ce groupe de personnes pour lesquelles il est préférable de passer votre route le marketing de réseau n’est pas pour vous » (note de l’auteur : c’est-à-dire tous ceux qui n’ont pas la même religion, les « loosers »)

– « Le markéting de réseau est une véritable profession (…) qui n’est pas ouverte à tous les esprits mais qui fait partie du monde que nous construisons, du monde de demain. Contrairement à « l’ordre mondial », à ses réductions d’effectifs, à cette compétition ou tout le monde se marche dessus, le Marketing de Réseau offre l’occasion d’entretenir et de renforcer des talents naturels et innés. Dans ce type d’affaire, qu’est le succès ? C’est la chance de se développer spirituellement, intellectuellement, émotionnellement et financièrement tandis que nous contribuons d’une façon positive au développement des autres. »

Les sites de MLM sont truffés de ces discours absolument délirants destinés à contredire les accusations d’escroquerie. Mais ce qui est inquiétant, c’est que le vendeur d’une chaîne pyramidale n’a plus conscience de faire quelque chose de profondément malhonnête et inutile, il est bien au contraire convaincu de « changer le monde », de s’accomplir et de former des leaders en appliquant à la lettre les injonctions du coaching.

Voilà en quoi les entreprises pratiquant le MLM sont des sectes. Il faut bien comprendre qu’il n’y a là dedans rien d’anodin, le MLM détruit des familles et isole les individus. Le vendeur MLM convaincu, adepte du DevPers, éloignera de lui ceux qui essaieront de lui expliquer qu’il est engagé dans une arnaque et très vite, il ne sera plus qu’entouré des membres du réseau qui seuls le « comprennent », et qu’il considérera très vite comme une « nouvelle famille ».

Illustration du montage financier frauduleux de la vente pyramidale. Le MLM emploie massivement les méthodes de DevPers pour trouver de nouveaux vendeurs et escroquer de nouvelles victimes.

Enfin, en guise de conclusion, nous nous posons la question de savoir pourquoi de telles pratiques, destructrices pour la société et les individus, ne sont la plupart du temps réprimées que sur le fondement d’une très timide disposition du code de la consommation (L 122-6 et svt) qui prévoit une peine de seulement un an de prison. Pourquoi le juge français doit-il se contenter de la qualification de publicité mensongère pour punir les responsables d’ACN, plus grand groupe de MLM au monde ?

Pourquoi la France, si prompte à engager des réformes pénales à chaque nouveau fait divers ne donne-t-elle pas les moyens aux juges de réprimer efficacement ces pratiques en adoptant une législation ad hoc ? Pourquoi permet-on à ces criminels de monter des structures toujours à la limite de la légalité lorsque l’objectif frauduleux ne fait absolument aucun doute ? D’où vient cette immunité si scandaleuse ? Serait-ce parce que le grand magna de la vente pyramidale n’est autre que Donald Trump, multimilliardaire américain et très proche de la mouvance DevPers, pressenti un moment pour l’investiture à la présidence des États-Unis ? La réponse à ces questions donnerait encore lieu à de multiples questionnements qui sortiraient largement de notre propos, qui touche maintenant à sa fin, et qui aura, nous l’espérons, ouvert les yeux du lecteur sur ces réalités omniprésentes mais malheureusement trop peu souvent comprises.

source : Fortune article de Mathurin
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