Le groupe a acheté en 2007 l’édifice La Patrie, rue Sainte-Catherine Est. Le coût : 4,2 millions. Huit ans plus tard, les rénovations n’ont pas encore commencé, car l’argent semble manquer. Le journal Métro révélait récemment que les scientologues doivent près de 117 000 dollars à Montréal en taxes pour cet édifice.

La stratégie d’expansion des scientologues piétine. Mais ce serait pire sans l’aide de l’État. Car si l’édifice devient occupé, il sera exempté de taxes municipales. Tout comme en sont déjà exemptés deux édifices, celui de Québec et l’autre à Montréal, rue Papineau. Cette année seulement, le rabais s’élève à environ 180 000 dollars.

La Loi sur la fiscalité municipale offre cet avantage aux groupes religieux reconnus. La scientologie a reçu ce statut en 1993 des mains de l’Inspecteur des institutions financières. L’année suivante, les Raéliens, culte « soucoupiste », recevaient le même statut.

Quelque 150 groupes recevaient le même avantage cette année-là. Pour le fisc, il s’agit d’une formalité, accordée sans juger la croyance. Mais pour la scientologie, il s’agit d’un outil pour se développer. Et aussi d’un outil pour charmer, en assurant être une religion reconnue et présentable.

Or, ce n’est pas le cas. Des leaders du culte ont été condamnés à plusieurs reprises pour « escroquerie », « pratique illégale de la médecine » et autres crimes. Et il ne s’agissait pas de fautes commises en marge des activités religieuses par certains individus, comme la pédophilie de prêtres catholiques. Les crimes résultaient au contraire de la pratique du culte lui-même, comme le démontre le récent documentaire Going Clear. C’est ce qui a motivé l’Allemagne à vouloir déclarer la scientologie inconstitutionnelle.

Malgré cette différence, il n’existe pas de définition consensuelle d’une religion ou d’une secte. Et le fisc n’est pas théologien. Sans critères simples, clairs et prévisibles, il ne peut trancher ce débat. C’est ce qui explique pourquoi le processus d’accréditation ressemble à une passoire.

Il existe deux façons de contourner le problème. La première passerait par la Loi sur les compagnies, qui permet d’obtenir le statut de groupe religieux. Le groupe ne doit pas avoir « l’intention de faire un gain pécuniaire », y lit-on. On pourrait soutenir que la scientologie ou d’autres sectes servent à soutirer de l’argent à leurs membres. Mais la démonstration serait complexe, et risquerait de coûter cher en frais juridiques.

La deuxième option serait de modifier la loi qui permet l’exemption de taxe foncière. Cette aide contrevient à la laïcité, qui veut que l’État ne favorise ni ne défavorise une religion, ou la religion tout court. Les groupes religieux répliqueront non sans raison que de tels avantages sont aussi accordés à d’autres organismes sans but lucratif. L’abolition de cette aide inquièterait particulièrement l’église catholique, indissociable de notre histoire, qui peine à entretenir ses édifices. Peut-être que l’argent économisé en taxes pourrait être réinvesti pour les restaurer, en fonction de critères basés sur la valeur patrimoniale.

Il s’agirait d’un vaste chantier, bien sûr. Mais un premier pas pourrait être franchi sans difficulté, en cessant la complaisance. Par exemple, celle de l’Office du tourisme, qui vante sur son site l’édifice de la scientologie du quartier Saint-Roch. Un édifice qui « a été complètement réaménagé selon un design basé sur une étude des goûts de la population québécoise et reflète un élément de cette culture »…

source : PAUL JOURNET – LA PRESSE

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