{{A l’approche de ses 90 ans, le révérend Sun Myung Moon, fondateur de la puissante secte religieuse connue sous le nom d’Eglise de l’Unification, cède la gestion des affaires quotidiennes à ses trois fils.}}

Aujourd’hui milliardaire, il reste le “messie” autoproclamé et le “Vrai parent” de la secte, mais, dans la plus grande discrétion, ses fils ont commencé à prendre le relais. Le plus jeune, Moon Hyung-jin, 30 ans, a été choisi l’année dernière pour prendre la tête des affaires religieuses. Moon Kook-jin, 39 ans, gère les intérêts de Moon en Corée du Sud, et l’aîné, Moon Hyun-jin, supervise les opérations internationales. La secte affirme que tous trois sont diplômés de la prestigieuse université de Harvard.

Depuis sa fondation en 1954, l’Eglise de l’Unification est devenue un empire lucratif comptant des centaines de sociétés dans le monde, des hôpitaux, des universités, des journaux et même une équipe de football professionnel et une troupe de ballet.

Parmi ses fleurons les plus prestigieux, on compte le quotidien “Washington Times” ou l’hôtel New Yorker à Manhattan. Elle possède aussi une station de ski en Corée du Sud et une société de distribution de fruits de mer qui approvisionne en sushis bon nombre de restaurants japonais des Etats-Unis. Le révérend Moon possède également le seul hôtel de luxe appartenant à des étrangers de Corée du Nord, et, proche du maître de Pyongyang Kim Jong Il, il a même reçu des fleurs de lui pour son dernier anniversaire et aspire à jouer un rôle dans la réconciliation de la péninsule.

L’un des aspects les plus controversés -et médiatiques- de l’héritage Moon, ce sont ces mariages collectifs associant pour le meilleur et le pire des gens venant de pays différents qui ne s’étaient jamais rencontrés auparavant, avec comme objectif de “bâtir un monde multiculturel”. Les détracteurs de la secte jugent qu’ils sont une preuve du lavage de cerveau subi par les adeptes.

Depuis les premiers mariages de masse, au début des années 60 à Séoul, ils ont pris de l’ampleur: en 1999, au stade olympique de Séoul, les mariés étaient 42.000… Mercredi, il seront à nouveau plus de 40.0000, 20.000 à Séoul et 20.000 dans le reste du monde.

Moon Hyung-jin, choisi par son père pour assurer la succession des affaires religieuses, avait tout juste 17 ans quand il a épousé celle que son père lui avait désignée. Le couple a aujourd’hui cinq enfants. Et trois des petits-enfants du révérend Moon ont déjà été mariés à des fidèles japonais.

Né à New York, où il a grandi sous le prénom de Sean, cet héritier a le visage poupin et la voix douce, et reconnaît être encore novice. “Quand mon père m’a demandé de prendre ce rôle, je lui ai dit que la responsabilité était un peu lourde pour moi. Il m’a répondu de ne pas m’inquiéter, que beaucoup de gens m’aideraient.”

Depuis lors, Moon le jeune explique avoir procédé à certains changements: il aurait notamment rendu plus transparentes les activités de collecte de fonds de l’Eglise.

Lee Young-sun, ancienne adepte qui a quitté l’Eglise de l’Unification en 2001 après 31 ans, se souvient que sa famille révérait Moon à un tel point qu’elle avait son portrait au mur et le remerciait dans les prières d’avant le repas. “Le lavage de cerveau que fait la secte est exactement comparable à celui que fait la Corée du Nord”, dit-elle.

Si l’Eglise de l’Unification affirme avoir des millions de membres, les experts jugent que ce chiffre est bien plus bas. Il ne dépasserait pas les 100.000. “Nous avons été faibles pour ce qui est des adhésions et de la réévaluation de la direction de l’Eglise. Nous travaillons dessus. Mais l’Eglise se renforce, et ses membres sont plus heureux”, ajoute Moon fils.

“Je ne peux pas être comparé à mon père”, rit le jeune homme, interviewé par l’Associated Press dans son bureau de Séoul. “Quand les gens prennent leurs titres trop au sérieux, ils deviennent arrogants.”

Le successeur a eu son moment de faiblesse, pendant ses années de jeunesse. Fils prodigue, il raconte s’être tourné vers le bouddhisme après la mort d’un de ses frères, Young-jin, en 1999; un suicide, selon la police. Il raconte que son père a alors ordonné à ses fidèles de ne pas critiquer ce fils qui s’était rasé la tête et portait la robe safran sur le campus. “J’ai été profondément ému. J’aurais cru que mon père me chasserait de l’Eglise, mais il m’a protégé.”

Même s’il est totalement bilingue, Moon Hyung-jin a insufflé un style nettement américain à la religiosité Moon: un de ses prêches, le mois dernier à Séoul, diffusé sur son site Web, était bien plus rock que gospel…

Quant au fils numéro deux, Moon Kook-jin, qui gère les affaires de la secte en Corée du Sud depuis 2005, il possède également le fabricant d’armes Kahr Arms, basé à New York. Et n’y voit aucune contradiction: “Pour bâtir un pays pacifique, il faut la police et une armée.”

Pour Tark Ji-il, professeur en religion de l’Université presbytérienne de Busan, l’Eglise de l’Unification devrait survivre à son fondateur. Et ce car, “aujourd’hui, il est plus juste de les voir comme une grande entreprise qui rassemble des gens ayant les mêmes croyances religieuses”. AP

nc/v/tl

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13.10.09