RODEZ, 30 nov 2011 (AFP) – L’ex-frère Pierre-Etienne Albert a assumé la responsabilité des actes de pédophilie qu’il a fait subir pendant des années à des dizaines d’enfants; pourtant le procès ouvert mercredi à Rodez aurait aussi pu être celui de sa communauté religieuse, qui savait et n’a rien dit.

“Le fait de me retrouver devant la justice est très important par rapport à mes victimes. J’espère qu’elles trouveront un certain apaisement après ce procès, je l’espère de tout coeur”, a dit le prévenu d’une voix un peu chevrotante.

Pierre-Etienne Albert ne nie pas les faits. Il a lui-même produit une liste de 57 noms d’enfants sur lesquels il s’était livré à des attouchements alors qu’il était chantre de la communauté catholique des Béatitudes.

Certains faits sont prescrits, d’autres pas établis. Aussi répond-il devant le tribunal correctionnel de 38 cas seulement d’agressions sexuelles commises entre 1985 et 2000 sur des garçons et des filles alors âgées de 5 à 14 ans. Onze d’entre eux sont parties civiles.

Les victimes attendent à Rodez explications et apaisement. Et ils voudraient savoir pourquoi certains responsables de cette communauté réunissant religieux et laïcs se sont tus, et pourquoi la justice, alertée en 2000, a laissé le dossier en sommeil jusqu’en 2008.

Pierre-Etienne Albert, aujourd’hui âgé de 60 ans mais entré à 25 aux Béatitudes, composait les chants et les musiques de cette communauté née d’un mouvement d’expression joyeuse de la foi. A ce titre, il était appelé à travers la France dans les dizaines de “maisons” de la communauté. Il était appelé aussi à côtoyer les enfants.

Pourquoi celui que les experts psychiatres décrivent comme un “pédophile séducteur” et dans lequel les parties civiles voient plutôt un “pédophile prédateur”, n’a-t-il pas essayé de garder ses distances avec l’objet de la tentation, lui demandent les avocats de ses victimes.

“Comment voulez-vous que je fasse ? Je suis comme le renard dans le poulailler, je suis dans une communauté où c’est bourré d’enfants”, répond le prévenu. On sanglote sur le banc des victimes.

En proie aux remords, Pierre-Etienne Albert s’est ouvert de ses penchants auprès de différents responsables de la communauté, comme Philippe Madre dès 1989.

Philippe Madre dit aujourd’hui avoir sous-estimé les faits que Pierre-Etienne Albert lui avouait. “On l’appelait Monsieur Papouilles. Il avait l’habitude des effusions autant avec les adultes qu’avec les enfants”.

Gérard Croissant, alias Ephraïm, fondateur des Béatitudes, communauté qui fut décriée pour ses dérives sectaires ou “psycho-spirituelles”, a également passé un mauvais moment devant le tribunal. Mais il avait beau être fondateur, ses responsabilités effectives étaient limitées, a-t-il assuré.

Un autre dirigeant, Fernand Sanchez, esquive aussi à la barre les questions sur ses responsabilités et engage un dialogue surréaliste avec une victime.

Celle-ci explique que ses parents s’étaient vus répondre à l’époque par les époux Sanchez que les attouchements dont elle était victime relevaient du “touche-pipi nécessaire à la construction” d’un enfant.

Mais Pierre-Etienne Albert avait au moins 40 ans, “j’avais huit ans et demi”, s’exclame-t-elle. “Il était mature physiquement mais l’était certainement moins que vous sur le plan psychologique”, lui rétorque Fernand Sanchez.

Comme Philippe Madre, Gérard Croissant et Marc Wallays, Fernand Sanchez est cité comme témoin. L’enquête visait initialement aussi la non-dénonciation d’agressions, mais la prescription a joué en faveur des anciens dirigeants de la communauté.

Pierre-Etienne Albert, lui, ne se défausse pas. Le coupable, c’est lui et personne d’autre, dit-il.

Il aura fallu pour que la vérité éclate que d’autres membres de la communauté, alertés, le pressent de confesser ses fautes.

Il vit aujourd’hui à l’abbaye de Bonnecombe (Aveyron) contre l’engagement de ne pas approcher les enfants.

Le procès se poursuit jeudi. Le prévenu encourt dix ans de prison.

Source : AFP Par Emmy VARLEY