Certains l’appellent déjà avec sarcasme “le futur Disneyland des religions”. Aujourd’hui, ce n’est qu’une poignée d’hectares de prairies dans le sud-ouest de Figueras, ville de Catalogne célèbre pour héberger le musée Dali. Cette municipalité a approuvé un projet, dont les travaux commenceront l’an prochain, qui permettra à “toutes les religions minoritaires” – en clair, toute confession qui ne soit pas l’Église catholique – de disposer d’un vaste terrain pour édifier leurs temples. Une vaste mosquée, une église orthodoxe, un lieu de culte pour témoins de Jehovah, un temple évangélique y verront le jour, juxtaposés, “dans le respect des différences”.

Un mois après la visite papale à Madrid, fustigée par les laïcs et les représentants des autres religions pour son caractère “hégémonique”, l’initiative va à rebrousse-poil de la tendance actuelle. Ces derniers mois, la Catalogne (qui compte environ 30 % d’immigrés, surtout des Marocains) se distingue par son déni des confessions qui, à l’instar de l’islam ou du protestantisme évangélique, connaît une forte ascension – à la différence du catholicisme, dont la pratique est en chute libre. Récemment, les municipalités de Salt et de Montgri se sont opposées à l’édification de mosquées. Depuis 2010, une douzaine de bourgades ont ouvertement affiché leur souhait de contenir “l’influence de l’islam”, notamment en prohibant le port de la burqa dans tout édifice municipal.

Une réforme accueillie avec enthousiasme

Début septembre, la riche région espagnole a franchi un cap supplémentaire : l’exécutif autonome catalan prépare une loi qui met fin à l’obligation pour les mairies de réserver une partie de leurs terrains à des usages religieux. Nombre de communes ont accueilli cette réforme avec enthousiasme : désormais, il sera facile de refuser à toute communauté religieuse un projet de lieu de culte. Et qu’importe si les temples protestants ou les moquées ne peuvent contenir leurs nouveaux fidèles, comme c’est de plus en plus le cas.

“Le parc des religions” de Figueras n’en est que plus singulier. Le maire nationaliste, Santi Vila, dénonce “une attaque contre les principes de la démocratie occidentale”. L’élu a non seulement réservé un terrain ample dans sa commune (hors du centre, “pour éviter la congestion et la gêne possibles”), mais il le fait de façon gratuite. Les responsables religieux locaux ne cachent pas leur joie. Driss el-Habib parle de bâtir un centre de prière de 700 mètres carrés pour les hommes, un autre de 400 mètres carrés pour les femmes et un centre d’études coraniques. Les 700 orthodoxes de Figueras se réjouissent tout autant : une église en bois de chêne de Transylvanie est en construction en Roumanie, aux mains d’artisans, et devrait être transportée en 2012 vers Figueras. Le président roumain et le patriarche de l’Église orthodoxe de ce pays ont confirmé leur présence lors de son inauguration.

Source LE POINT par François Musseau correspondant à Madrid