Au début du mois de juillet, conformément aux réquisitions du parquet, les juges d’instruction Cécile Ramonatxo et Philippe Darphin ont renvoyé Thierry Tilly et Jacques Gonzalez devant le tribunal correctionnel de Bordeaux. Mais après avoir requalifié les faits reprochés aux deux prévenus soupçonnés d’avoir spolié 11 des membres de la famille Védrines.
Les chefs d’escroquerie, d’extorsion de fonds et de séquestration accompagnée d’actes de barbarie ont été abandonnés. Thierry Tilly, écroué depuis bientôt trois ans, répondra uniquement d’abus de faiblesse et de violences volontaires sur la personne de Christine de Védrines. Le retraité parisien Jacques Gonzalez, qui a empoché près de 1,5 million d’euros issus de la vente des biens de la famille d’aristocrates girondins, est quant à lui poursuivi pour complicité et recel d’abus de faiblesse.
Dix ans plus tard
Le dossier arrive dans un prétoire dix ans après le lancement des premières investigations initiées par les dénonciations de Jean Marchand. Dès 2002, cet ancien journaliste n’hésite pas à clamer que son épouse, Ghislaine de Védrines, est prisonnière, avec d’autres membres de sa famille, d’une secte et de son gourou, Thierry Tilly.
Sous l’influence de ce dernier, la grand-mère, Guillemette de Védrines, ses enfants, Philippe, Charles-Henri et Ghislaine, les conjoints des deux premiers et cinq de ses petits- enfants se sont progressivement retirés dans leurs propriétés du Lot-et-Garonne, notamment à l’intérieur du château de Martel, à Monflanquin. Entendus en 2006 par les enquêteurs, Ghislaine et Charles-Henri de Védrines justifient alors leur repli par leur volonté d’échapper au harcèlement des médias et à la rancœur d’une autre branche de la famille avec laquelle ils sont en conflit.
Inimaginable
En 2007 et 2008, les reclus de Monflanquin émigrent à Oxford, en Angleterre, sous la conduite de Thierry Tilly. Celui-ci les incite à se dépouiller d’un patrimoine estimé à 4,5 millions d’euros. Une partie des fonds bénéficie à une obscure fondation dirigée par Jacques Gonzalez, un homme que les Védrines ne voient jamais, mais que Thierry Tilly présente comme son « patron ».
Après le départ de Philippe de Védrines en 2008, la fuite de sa belle-sœur Christine du huis clos d’Oxford en 2009 relance l’instruction judiciaire. La fugitive raconte non seulement les sévices dont elle a fait l’objet pour lui faire avouer dans quelle banque elle dissimulait un improbable « trésor de famille ».
Mais elle dépeint surtout l’inimaginable. Où et comment des aristocrates aisés, parfaitement insérés dans la bonne société bordelaise, basculent brutalement dans l’irrationnel, prennent pour argent comptant des histoires à dormir debout et lient leur destin à un personnage surgi de nulle part.
Emprise mentale
En 1999, Thierry Tilly, alors à la tête d’une petite société de nettoyage, croise le chemin de Ghislaine de Védrines au moment où celle-ci reprend une école privée parisienne en difficulté. Quelques mois suffisent à ce beau parleur ayant réponse à tout et qui se dit agent des services secrets pour déclencher un cataclysme familial.
Il se pose en homme providentiel, les convainc qu’ils sont en permanence menacés et profite de leurs rivalités pour les dresser les uns contre les autres. Même à distance, un mail ou un coup de téléphone lui suffisent pour dicter leur conduite. Les cloîtrés de Monflanquin vénèrent sa toute-puissance, au point même de croire qu’il était au courant à l’avance des attentats du 11 Septembre à New York.
« C’est inimaginable si on ne tient pas compte de ce climat de pression permanente et de cette aliénation qui a aboli le discernement des victimes. On est dans un cas d’emprise mentale totale », insiste Me Philippe de Caunes, l’avocat de plusieurs des membres de la famille.
Le procès n’est pas pour autant joué d’avance. En France, l’emprise mentale n’est pas considérée comme un délit. Et d’ailleurs, Thierry Tilly et Jacques Gonzalès nient farouchement avoir jamais contraint les Védrines à effectuer quoi que ce soit de contraire à leur volonté.
source :
http://www.sudouest.fr/2012/07/17/le-gourou-de-monflanquin-renvoye-en-correctionnelle-771682-7.php
SUD OUEST 17 juillet 2012
Par Dominique richard