La rumeur enfle sur Internet à propos de Stefan Molyneux, un canadien roi du podcast. A travers ses interventions en ligne, il encouragerait de jeunes gens à couper les ponts avec leur famille.

Missisauga, banlieue de Toronto, abrite-t-elle une secte cybernétique ? Elle accueille en tout cas abrite un web-phénomène qui fait de plus en plus parler de lui. Stephan Molyneux, 42 ans, y anime freedomainradio.com, un site internet traitant de “politique, philosophie, psychologie, économie, relations interpersonnelles et d’athéisme (sic)”. Il adore les expressions à consonnance philosophique tels “empiriquement et logiquement faux”. C’est son cliché mignon.

Ce vaste programme, Molyneux le décline entre autres en pratiquant une maïeutique explosive. A côté de ses diatribes contre l’Etat, il est un libertarian convaincu, il encourage également ses auditeurs à repenser leurs liens familliaux jusqu’à prôner la rupture.

C’est du moins ce que rapporte Kate Hilpern du quotidien britannique The Guardian. Elle rapporte l’histoire de Tom Weeds, un jeune Britannique de 18 ans qui a grandi à Leamington Spa au centre du Royaume-Uni. En mai dernier, sa mère a trouvé une note signée de sa main où il écrivait, “Chère famille, Je dois m’éloigner de la famille pour une durée indéterminée, j’ai donc emménagé chez un ami. S’il-vous-plait, ne me contactez pas. Tom.” Cette note aurait été inspirée par Molyneux.

Depuis Barbara, la mère de Tom, est désespérée. Il refuse toujours tout contact avec ses parents. Elle ne comprend toujours pas ce qu’il repproche à sa famille. Son enfance s’est déroulée sans histoire, dit-elle. Au cours d’une conversation toujours disponible pour écoute en ligne, selon le Globe and Mail (je ne l’ai pas retrouvée, le podcast 1034 cité par le Globe ne me semble pas être avec un jeune britannique, l’accent de l’interlocuteur de Molyneux est plutôt nord-américain) Molyneux explique à Tom que s’il est un défenseur acharné des droits des animaux, c’est parce que son père s’en prend parfois au chat de la maison et que sa mère a sans doute voulu avoir un enfant pour que son mari agresse quelqu’un d’autre qu’elle. C’est peu dire que cette conclusion est tirée par les cheveux.

Il faut dire que Molyneux est passablement remonté contre la famille. Il a lui-même rompu avec ses parents. Interrogé par The Guardian, il affirme que “les relations familliales sont volontaires et vous devriez travailler, si elles vous rendent malheureux, à les améliorer. Et cela donne la motivation aux gens de les améliorer. Mais si vous ne pouvez pas les améliorer, on ne peut pas changer les autres comme chacun sait, vous devriez pouvoir vous désengager de ces relations.”

Avec ce type de discours, encourage-t-il au “defooing”, à l’abandon des liens nous unissant à notre famile d’origine, ou “familly of origin”, “foo” dans le langage de Molyneux ? C’est évidemment l’avis de Barbara et d’autres parents qui n’ont plus de contacts avec leurs enfants influencés par Freedomainradio.com.

L’affaire est en tout cas lucrative pour Molyneux qui vit des revenus générés par ses podcasts. Différents types d’abonnement existent et varient de 10 à 500$ par mois.

Les abonnés au site et les visiteurs sont généralement des ados ou des jeunes gens dans la vingtaine, selon The Guardian. Est-ce tellement étonnant, à l’heure où une jeune génération née avec Internet y trouve un terrain d’expérimentation pour définir son identité. Inutile de rappeler également que cet âge est souvent marqué par une contestation de l’autorité, celle des parents ou d’autres institutions.

Molyneux est aujourd’hui décrit par la presse comme le leader d’une secte en ligne. Il s’en défend, sans doute à raison, mais son succès est réel. Pour Anne, un bloggueur qui se spécialise dans la revue de podcast, Molyneux est le podcasteur le plus prolifique qu’il connaisse notamment grâce au soutien de la communauté en ligne qu’il fédère.

Ce qui laisse craindre que l’influence de Molyneux sur ses fidèles est en vérité plus grande qu’il ne le confesse. Il prône l’affranchissement, mais il suffit d’écouter ses conversations avec certains de ses auditeurs pour se rendre compte que c’est un e-gourou écouté avec ferveur.

COURRIER INTERNATIONAL : 17.12.2008

Marc-Olivier BHERER