L’Afrique à ce côté mystérieux qui confère à ses grigris leur pouvoir de fascination.
Ce n’est pas en pleine effervescence footballistique que l’on niera le recours aux services des marabouts. D’ailleurs, si les « sorciers » africains sont censés préférer la pénombre, ils se calfeutrent de moins en moins. Sur le web, le dénommé Daniel Diakhaby présente les nombreuses cordes tendues à son arc mystique : désenvoûtement, interventions occultes contre les mauvais sorts et sortilèges diaboliques, attraction de clientèle, réussite aux examens, accroissement de la puissance sexuelle, mariage rapide, harmonie du couple et éloignement définitif du ou de la rivale. Il se présente surtout comme le « médium occultiste du football » qui propose une « efficacité en 3 jours, 100% garantie » et avec discrétion assurée.
Pour convaincre les incrédules, Daniel Diakhaby –oubliant peut-être la discrétion promise– énumère des références impressionnantes : il affirme que « des joueurs comme Matuidi, Pogba, Areola, chez les jeunes, ou Sagna et Mandanda » le consultent souvent. Pas folle la guêpe : persuadé que les joueurs cités hésiteront à témoigner en sa faveur, il anticipe lui-même ce qu’il qualifie de « non-confirmation des stars ». Il déroule sa démonstration : « Les célébrités qui me rendent régulièrement visite ne communiquent pas sur le sujet, mais posez-vous la question suivante : pourquoi des photos circulent sur le web ainsi que des vidéos sur « Youtube » où on voit le marabout Daniel Diakhaby en compagnie de Yannick Noah, de Claude Makélélé et de Djibril Cissé ? » Imparable. Lorsque qu’un adolescent remarque qu’une jolie fille est avare de regards dans sa direction, n’y voit-il pas la preuve irréfutable du trouble amoureux de la belle ?…
Le petit monde des marabouts n’est-il qu’une foire aux petites arnaques ?
Le petit monde des marabouts n’est-il qu’une foire aux petites arnaques ? S’il serait présomptueux d’affirmer que toutes les prestations occultes reflètent un micro-business malhonnête, il convient de reconnaître que certaines relèvent de grosses malversations. Début juin, en région parisienne, une comptable âgée de 52 ans était placée en garde-à-vue dans les locaux de la police judiciaire. En cause ? Un goût pour la voyance qui l’a conduite à détourner 520 000 euros dans la société qui l’employait à Rosny-sous-Bois. La suspecte a reconnu avoir subtilisé la somme entre 2005 et 2009 dans l’unique but de régler les honoraires d’un marabout âgé de 33 ans. Déjà connu des services de police pour escroquerie et abus de confiance, le voyant a également été interpellé. Comme souvent, la fragilité psychologique de la comptable est invoquée pour expliquer l’emprise du marabout et l’ampleur des sommes concernées. Le tribunal de Bobigny jugera l’affaire.
Quelques semaines auparavant, dans la ville d’Evry, une dame confiait un sac contenant plusieurs milliers d’euros de bijoux à un homme qui indiquait en avoir besoin pour exercer sa magie. Quelques minutes plus tard, le « magicien » africain ambulant remettait le même sac à sa propriétaire à la condition qu’elle ne l’ouvre pas avant une semaine, sans quoi le charme serait rompu. Les bijoux avaient cédé la place à deux boîtes de thon en conserve…
Juteux marché
Ces faits-divers confirment que le marché de la voyance peut-être juteux. Le contexte socio-économique favoriserait la quête d’échappées irrationnelles et les relents de modernité médiatique attiseraient la tentation. Le « Grand-Maître du paranormal » Diop Salamber n’a-t-il pas été deux fois invité dans l’émission « La soirée de l’étrange » sur TF1 ? Le médium Dia Kéba n’a-t-il pas reçu le « Nostradamus d’Or » 2011 au Salon International de la Voyance de Marseille ? Pour finir de convaincre le déprimé de plonger, l’exotisme des marabouts africains entre en résonance avec le reliquat d’imagerie populaire associée à l’Afrique dans l’esprit du franchouillard moyen.
L’homme est ainsi fait : il est prioritairement convaincu par ce qui vient de loin. Le succès en France de la voyance africaine ne confirme pas pour autant l’idée que seuls les Africains entretiendraient des superstitions ancestrales, pour ne pas dire « sauvages ». L’Afrique n’a pas inventé la réputation du tout récent vendredi 13. L’Afrique n’a pas élaboré l’astrologie, la numérologie ou la tarologie. L’Afrique n’est pas spécialisée dans la nécromancie, cet ensemble de techniques qui consiste à interroger les personnes décédées. L’Afrique ne pratique pas le spiritisme à l’aide de tables tournantes. L’Afrique n’a pas l’exclusivité des filtres d’amour. Mais l’Afrique à ce je ne sais quoi de mystérieux qui confère à ses grigris leur pouvoir de fascination.
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20140617124624/ 17/06/2014 à 12:49 Par Damien Glez