Le pasteur baptiste Claude Guillot s’exprime lentement, calmement, avec minutie. Mais au fil de ses réponses, on perçoit le ressentiment qu’il nourrit envers les anciens élèves qui l’accusent aujourd’hui de sévices physiques et psychologiques.

Le procès de Claude Guillot a repris lundi, toujours à l’étape de la défense. Le pasteur baptiste répond aux questions de son avocate, Me Susan Corriveau, pour donner sa vision des années d’enseignement chrétien dans son école clandestine de Neufchâtel et dans une école de Victoriaville, quelques années plus tôt. Deux des six plaignants assistent à son témoignage.

Les plaignants de Québec, qui étaient pensionnaires, ont décrit la sévérité du pasteur et allèguent avoir, pour certains, reçu des coups physiques et avoir été forcés de rester debout pendant des jours et de faire des exercices physiques jusqu’à l’épuisement.

Claude Guillot ne nie pas avoir donné certaines conséquences; lorsqu’il le faisait, c’était toujours pour punir un comportement incorrect, une désobéissance, un mensonge.

«Les enfants ne sont pas des esclaves, dit-il. Ce sont des enfants qui doivent apprendre à obéir et à se soumettre.»

Au fil de son témoignage, le pasteur laisse tomber des petites phrases acerbes. «Lui, il était comme ça, il ne faisait pas beaucoup d’effort.» «C’est un jeune qui a tendance à s’effondrer.» «Il prend quelque chose qui n’existe même pas et en fait un mélodrame.»

« «Les enfants ne sont pas des esclaves. Ce sont des enfants qui doivent apprendre à obéir et à se soumettre.» »

— Le pasteur Claude Guillot

À ce moment, la procureure de la Couronne MSonia Lapointe se lève pour protester contre le commentaire. Le juge Christian Boulet de la Cour du Québec, monument de calme, montre lui aussi des signes d’impatience. «M. Guillot, ça ne vous donne rien de dire des choses comme ça, explique le juge. Vous ne pouvez pas dire tel témoin n’a pas dit la vérité, c’est mon rôle à moi de déterminer si c’est vrai.»

Le témoin glisse qu’il a été «blessant» pour lui d’entendre les jeunes hommes raconter leur version. «Je ne veux pas me plaindre, mais j’ai donné 13 ans de ma vie à ce garçon-là, dit Claude Guillot, en parlant du pensionnaire qui a vécu chez lui pour la plus longue période. Et ma fille et ma femme ont donné beaucoup aussi.»

Dispositifs de sécurité

Comme les plaignants l’avaient décrit, Claude Guillot confirme qu’à une certaine époque, il avait installé un détecteur de mouvement dans sa demeure. Il craignait, dit-il, qu’un de ses élèves ne commette un geste grave. Durant la même période, il avait demandé à son épouse de ranger tous les couteaux à steak, ajoute-t-il.

Oui, les fenêtres de sa maison étaient verrouillées, confirme le pasteur. Mais les dispositifs avaient été installés des années avant l’arrivée des garçons, pour contrer les cambriolages.

Les élèves avaient un temps alloué pour se rendre à la toilette ou prendre leur douche, confirme Claude Guillot. C’était une nécessité dans une maison où vivaient 11 personnes, dit-il.

Il nie qu’un des garçons, rationné en eau, ait pu boire dans une cuvette de toilette. Il est vrai que boire dans le lavabo était interdit, admet-il. «Pour éviter les bactéries, on avait pris l’habitude de boire des bouteilles d’eau», assure le pasteur.

École cachée

Guillot convient que son école, ouverte dans le sous-sol de sa maison au début des années 2000, devait rester cachée. En particulier aux parents qui venaient porter leurs enfants à la garderie de sa femme. «On ne voulait pas que les parents sachent qu’on avait une école à la maison, explique M. Guillot. Ce n’était pas connu à l’époque au Québec et on ne voulait pas susciter des questions. On voulait limiter les contacts.»

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Le lundi 25 mars

ISABELLE MATHIEU

Le Soleil