«Je ne sais pas où ils seraient aujourd’hui, mes garçons, si M. Guillot ne les avait pas pris chez lui!»

Yvan*, 58 ans, est venu à la cour mardi expliquer pourquoi il a confié ses quatre garçons à son pasteur baptiste, Claude Guillot.

Avant d’entrer dans la salle d’audience, Yvan s’est recueilli durant de longues minutes, yeux fermés et bible en main.

Deux de ses garçons accusent Guillot de divers sévices physiques et psychologiques. Au total, six anciens élèves poursuivent le pasteur dans le cadre de ce très long procès, débuté en juin 2018. Le pasteur Guillot affirme avoir utilisé une force raisonnable pour corriger et éduquer les enfants qui lui étaient confiés.

Yvan témoigne pour la défense. Malgré les allégations de ses fils, malgré l’insistance de la procureure de la Couronne Me Geneviève Corriveau, le père ne remet pas en cause les méthodes éducatives du pasteur.

«Quand c’est fait avec amour, en quoi nécessairement la douleur doit produire un traumatisme?» demande le père.

À la fin des années 1990, Yvan et sa femme avaient appris de Claude Guillot comment éduquer les enfants en suivant les versets bibliques. On leur enseignait notamment que «la folie est au cœur de l’enfant» et que «la verge de la correction» l’en éloignera.

Mais ses deux aînés sont très difficiles, dit-il. Après une crise, au cours de laquelle un garçon lance une brique en sa direction, Yvan demande de l’aide au pasteur.

Calmes et dociles

Claude Guillot prend les garçons dans sa famille quelques jours. Ils reviendront calmes et dociles. Transformés, dit le père.

Avec son couple à la dérive, Yvan accepte, sans l’accord de la mère, de confier ses enfants au pasteur. D’abord un premier, puis les trois autres.

Le rôle du père devient plus effacé. Il se contente de voir ses garçons à l’église.

Yvan affirme que le pasteur Guillot a souvent demandé son intervention auprès des garçons. Le pasteur lui aurait dit au moins trois fois qu’il ne pourrait plus garder les enfants qu’il trouvait trop difficiles. «Moi, je ne pensais pas être capable de les reprendre», explique Yvan.

Un jour, un de ses fils fugue de chez Claude Guillot. Yvan le retrouve chez son ex-femme. Il n’appellera pas la DPJ.

Le père a toujours su que ses enfants allaient recevoir la correction physique lorsque le pasteur le jugerait nécessaire.

Il apprendra des enquêteurs qu’ils ont aussi dû rester debout pendant des jours ou faire d’interminables séries d’exercices. Lorsque les enquêteurs lui parlent de gifle au visage ou de coups au plexus solaire, le père n’y croit pas. «Connaissant M. Guillot, pour moi, ce n’était pas crédible», dit-il.

* Prénom fictif. Une ordonnance de non-publication protège l’identité des plaignants.

ISABELLE MATHIEU

Le Soleil

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