Né le 8 septembre 1912 à Cysoing (Nord), le Père Philippe est le huitième d’une famille de douze enfants, dont quatre deviendront moniales et trois religieux, comme lui, dans l’ordre dominicain. Prêtre ordonné en 1936, professeur à l’université de Fribourg (Suisse), Marie-Dominique Philippe est d’abord un grand prédicateur et un philosophe fécond, auteur d’une trentaine d’ouvrages inspirés par le thomisme le plus classique.
Il s’éloigne toutefois de l’ordre dominicain dont il n’épouse pas les options réformatrices après le concile Vatican II (1962-1965). Avec cinq étudiants français de Fribourg, il fonde en 1975 sa propre communauté, celle des Frères de Saint-Jean, d’abord rattachée à l’abbaye cistercienne de Lérins, puis reconnue par l’évêque d’Autun et installée dans l’ancien petit séminaire de Rimont (Saône-et-Loire), avant d’être promue par le Vatican comme congrégation religieuse autonome.
Le succès de cette communauté – dont le Père Philippe sera le prieur jusqu’en 2001 – est immédiat. Elle compte aujourd’hui 500 prêtres et frères dans une vingtaine de pays, ainsi que 250 religieuses. Elle ouvre des prieurés, ordonne des prêtres, se voit confier des paroisses en déclin, des centres de pèlerinages, des aumôneries de grands collèges (Stanislas à Paris, Passy-Buzenval à Rueil), ce qui suscite des tensions. On lui reproche de créer un clergé parallèle. Le Père Philippe est très introduit à Rome et proche de Jean Paul II, qui lui dit : "Vos jeunes frères sont les religieux de la deuxième évangélisation de l’Europe."
Mais les "Petits Gris" n’échappent pas aux dérives propres à toute nouvelle communauté : culte de la personnalité du fondateur, tendances sectaires (discipline de fer), idéologie très traditionnelle. Si la communauté de Saint-Jean recrute beaucoup de jeunes à la recherche d’une forte identité catholique, beaucoup aussi claquent la porte.
Le Père Philippe se voit reprocher de recruter sans solide formation. Il fait scandale aussi pour ses liens avec Mère Myriam, une Hongroise du nom de Tünde Szentes, l’une de ses anciennes étudiantes, fondatrice des Petites Soeurs de la compassion, d’Israël et de Saint-Jean, accusée d’être une secte.
En 2000, le cardinal Lustiger retire à la communauté la direction de l’aumônerie de Stanislas à Paris. Signe de ce malaise, en février 2006, pour les trente ans de sa fondation, le pape Benoît XVI demandait au Père Philippe "un discernement plus profond des vocations", ainsi qu’"une collaboration confiante avec les responsables des Eglises locales".