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{{Escroquerie . Les plus hauts responsables de l’Eglise justifient les grosses sommes versées par les adeptes.}}

Par ONDINE MILLOT

Il a des cheveux roux frisés tirant sur le blanc, une veste noire et une chemise chic, des manières calmes et posées. A la présidente du tribunal, qui répète en vain les mêmes questions, il répond lui aussi par des questions. «Vous pensez que le fait de s’élever vers le divin puisse avoir un prix ?» Alain Rosenberg, la soixantaine rondelette, est considéré comme un des plus hauts dirigeants de la scientologie en France. Parmi les huit prévenus (six personnes physiques et deux personnes morales) du procès parisien, c’est lui que l’on attendait le plus. Mardi, il a eu l’occasion de donner son point de vue de «coordinateur des activités ecclésiastiques» (il refuse le titre de «directeur général», pourtant inscrit dans l’organigramme interne).

Les impressionnantes sommes d’argent versées par les adeptes pour l’achat de cours et ouvrages ? Des «dons», répète Alain Rosenberg, car «aucune Eglise ne vit uniquement avec l’énergie du bon Dieu». Le fait qu’il existe des grilles de tarifs très précises pour ces «dons», que les adeptes soient incités à payer d’avance pour un cursus de quatre ans de formation ? «Cela permet de libérer la route. Une fois que la route est libre, on voit que les scientologues s’épanouissent vraiment.»

Remboursement. Pour l’une des parties civiles, Aude-Claire Malton, cette «libération» a coûté 21 500 euros en deux mois, la perte de l’ensemble de ses économies, et un lourd crédit. Pour un autre, Eric A, qui a finalement retiré sa plainte contre un remboursement partiel, 49 483 euros en trois mois. C’est la première fois, en France, que l’Eglise de scientologie est poursuivie en tant que personne morale pour le chef précis d’«escroquerie en bande organisée». Si elle est reconnue coupable, elle risque théoriquement la dissolution. Le seul précédent français de poursuites contre la «personne morale» scientologue remonte à 2003. Elle avait alors été relaxée pour «tentative d’escroquerie», et condamnée pour une infraction à la loi sur les fichiers informatiques.

Larmes. Les jours se succèdent, et avec eux les prévenus à la barre. Mais le discours scientologue et ses nombreuses zones d’ombre ne changent pas. Hier, c’était au tour de Sabine Jacquart, ex-présidente de l’association française de l’Eglise de scientologie. A peine levée, elle s’effondre en larmes. «Depuis une semaine, j’entends des injures : qu’on menace les gens, qu’on les harcèle…» Elle reprend du tac au tac de sa voix juvénile flûtée pour défier les questions de la procureure. Le fait qu’on fasse signer à ceux qui souhaitent quitter la scientologie un renoncement à toute poursuite en justice ? «C’est normal, dans un pays où on est diabolisés !» L’organigramme de l’association qu’elle présidait, avec une «unité pour les acheteurs potentiels», un «employé aux statistiques de réponse», une «unité des nouvelles méthodes de contact avec le public» ? «Il y a des erreurs de traduction.» L’argent versé aux membres pour chaque nouvel adepte qu’ils réussissent à recruter ? «C’est juste un petit pourcentage…»

Libération