Dans un document interne qu’a pu consulter Tribune de Lyon, la Nef, banque éthique implantée à Vaulx-en-Velin, prépare la contre-attaque face aux accusations de liens avec l’anthroposophie, mouvance épinglée par la Miviludes.

Plus importante banque éthique de France, dont le siège se trouve à Vaulx-en-Velin, la Nef est en plein développement mais ne parvient pas à se défaire des soupçons de liens entretenus avec l’anthroposophie, doctrine spirituelle et philosophique empreinte d’occultisme dont se réclamaient ses fondateurs à la fin des années 80. 

Problème : « Certaines ramifications du mouvement anthroposophique […] pourraient entraîner de lourdes dérives auprès de populations vulnérables » d’après le dernier rapport de la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Pire, la mouvance exercerait « une influence prépondérante sur certains établissement bancaires “éthiques” au pouvoir financier extrêmement important comme Triodos, GLS ou, en France, la Nouvelle économie fraternelle (Nef). »

Si la genèse de l’établissement bancaire est assumée par ses dirigeants actuels, ceux-ci se défendent néanmoins d’avoir conservé des liens avec la mouvance anthroposophique, et doivent fréquemment le rappeler face aux accusations portées par des lanceurs d’alerte, ou aux révélations des médias.

Or cela ne semble pas suffisant pour la Nef, qui travaille à un « plan d’action » en trois points, présenté en début d’année en conseil de surveillance, que Tribune de Lyon est en mesure de dévoiler.

Des mesures à contre-cœur

Si elle doit le faire la mort dans l’âme, la Nef va poursuivre et amplifier la stratégie du cordon sanitaire. Depuis 2019, l’établissement bancaire avait ainsi suspendu les financements aux écoles Steiner, pointées par la Miviludes pour des « pratiques d’endoctrinement », « une logique sectaire » ou encore « une volonté, de la part du personnel encadrant d’éloigner les enfants de leurs parents afin de pouvoir mieux les contrôler ».

« Il convient de poursuivre cette suspension tant qu’elles continueront à être mises en avant dans le rapport de la Miviludes, estime le conseil de surveillance. Cette décision est douloureuse et nous sommes bien placés pour savoir que les rapports de la Miviludes doivent être soumis au doute. »

La banque permet également aux épargnants de reverser leurs intérêts à une quinzaine de structures, dont le Fonds Germe et Biodynamie recherche, deux organisations d’inspiration anthroposophique, comme Tribune de Lyon l’avait rélévé. « Nous devons les retirer des bénéficiaires, tranche la Nef. Les montants sont minimes et la décision ici aussi est douloureuse pour les organisations ciblées mais relève de notre protection indispensable. »

Poursuites baillons

Le deuxième étage de la fusée, c’est la riposte judiciaire, que la Nef entend systématiser. « Nous devons attaquer ceux qui diffamant la Nef, cingle-t-elle. Notre but ici est de bien montrer, à toutes les parties prenantes de la Nef et à tous ceux et celles qui nous attaquent ou se posent des questions, qu’on cesse de faire le gros dos et qu’on ne se laisse plus attaquer impunément. » Trois cibles sont identifiées : la Miviludes, la presse, et enfin les lanceurs d’alerte et autres relais critiques sur les réseaux sociaux.

Enfin le dernier pan de cette stratégie est «  une réaffirmation de notre indépendance politique, idéologique et spirituelle ». Car la Nef le martèle : «  Nous sommes ciblés parce que nos fondateurs étaient anthroposophes, alors qu’eux-mêmes et la Nef ont toujours proclamé l’indépendance institutionnelle de la coopérative. Aujourd’hui la Nef n’est pas plus qu’hier anthroposophe, il convient, sans renier nos origines, de refonder la Nef autour de ce concept d’indépendance ». Évolution profonde qui pourrait aller jusqu’à une refonte des statuts et un changement de nom.

Contactée afin de réagir à ces informations, la Nef n’a pas souhaité donner suite. On comprend néanmoins au traverse de ce document que la situation est « délicate, potentiellement critique », tant au niveau de l’agrément sollicité auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, que vis-à-vis de « certaines collectivités locales ». Parmi les clients de la banque, figurent en effet la Ville et la Métropole de Lyon, où plusieurs élus d’opposition s’étaient opposés à une poursuite de la collaboration avec la Nef.

 

source :

Tribune de Lyon

Rodolphe Koller – 22 septembre 2023

https://tribunedelyon.fr/societe/exclusif-le-plan-de-la-nef-pour-dissocier-son-image-de-lanthroposophie/