{ {{CONTROVERSE | La France attend d’ici à l’automne le verdict du procès accusant l’Eglise de scientologie d’«escroquerie en bande organisée». Les scientologues vaudois disent ignorer la peur. Pourtant, ses ennemis sont prêts à bondir.}} }

​L’Eglise de scientologie de Lausanne, sise à la rue de la Madeleine, est l’une des deux Eglises officielles de scientologie de Suisse romande. En 2001, un tribunal vaudois a estimé qu’elle semblait poursuivre des buts plus économiques que spirituels.

Pascale Burnier | 22.06.2009 |24 heures

Un procès qui pourrait faire la peau à une des plus grandes Eglises de scientologie de France. Mais aussi, un procès qui pourrait donner des idées aux adversaires des scientologues en Suisse. Poursuivie pour «escroquerie en bande organisée», l’Eglise de scientologie parisienne risque la dissolution pure et simple.

Si l’escroquerie est confirmée, la crédibilité de ceux qui s’estiment victimes de la scientologie en Suisse serait-elle accrue? C’est en tout cas ce qu’espère Jean-Luc Barbier, chef de fil des antiscientologues de Suisse romande et président de l’Association d’aide aux victimes de la scientologie. «S’il y a condamnation, nous lancerons une action, conjointement avec une association zurichoise, en attaquant les scientologues sur l’exercice illégal de la médecine. Le procès a abordé le problème des médicaments donnés à des doses importantes aux adeptes lors des cours. Nous essayons depuis des années de faire comprendre aux autorités qu’il faut surveiller ces traitements composés de niacine et de vitamines», explique cet ancien adepte.

{{Déjà condamnés en Suisse}}

Non reconnue comme religion en Suisse, l’Eglise de scientologie, parfois associée à une secte, a toutefois le droit d’exister en tant qu’association. Elle n’en reste pas moins au cœur de régulières controverses allant parfois jusque devant les tribunaux. Pour exemple: en 1993, le Tribunal fédéral condamne des scientologues pour escroquerie. En 2001, la justice vaudoise, elle, refuse d’associer l’Eglise de scientologie à une religion. D’après le Tribunal, elle «paraît poursuivre des intérêts plus économiques que spirituels». Sachant que les scientologues de Suisse et de France utilisent les mêmes méthodes et vendent un matériel similaire pour les thérapies, le verdict français éveillerait une fois de plus les soupçons émis sur les scientologues en Suisse.

Une période électrique qui n’effraie pourtant pas les Eglises de scientologie romandes. «Nous n’avons aucune crainte. Le procès français semble être avant tout politique, soutient Francine Bielawski, porte-parole des scientologues pour la Suisse romande. Nous avons des codes d’éthique. Nous ne sommes pas non plus une entreprise commerciale. Ce n’est donc pas demain que l’Eglise française ou des églises de chez nous fermeront leurs portes.»

Une confiance qui n’étonne guère Brigitte Knobel, directrice du Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC). «Chaque église de scientologie s’insère dans un réseau mondial dirigé par les Etats-Unis. Or, depuis leur naissance en 1954, ils sont en conflit avec la société. Ils sont donc habitués et vivent avec la controverse.»

Avec moins de 500 membres estimés en Suisse, 8 millions dans le monde, les scientologues n’entretiennent pas, à la connaissance du CIC, de liens institutionnels connus avec leurs homologues français. Les églises dépendent en revanche toutes de la même organisation mère basée aux Etats-Unis. Pour Francine Bielawski, il s’agit uniquement de «liens amicaux». «Si des Français voulaient suivre des cours chez nous, nous serions par contre prêts à les accueillir», complète-t-elle.
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«Sans plainte ou sans indice, la justice ne les poursuivra pas»

La décision de la justice française peut-elle juridiquement mettre en péril les scientologues suisses? «Non, ce n’est pas parce qu’elle est dissoute en France qu’elle le sera en Suisse, explique François Bellanger, avocat et président du Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC). Ce sera toutefois une démonstration, une fois de plus, que les méthodes de la scientologie conduisent régulièrement à la commission d’actes criminels.»

L’Eglise de scientologie n’a pour l’heure rien à craindre de la justice suisse ou vaudoise. Si, en théorie, elle pourrait être poursuivie d’office pour escroquerie, ce n’est pas fréquent. «Sans plainte ou sans indice, la justice ne les poursuivra pas», précise le premier substitut du procureur vaudois, Daniel Stoll.

Contestée, mais pourquoi si peu de plaintes? «Les victimes n’ont souvent aucune preuve car elles font confiance aux scientologues», explique Jean-Luc Barbier, à la tête d’une association d’antiscientologues. «Le problème est aussi le coût élevé d’un procès et les barrières juridiques: si une association d’aide aux victimes pouvait se porter partie civile, cela aiderait fortement.»

Reste que l’accusation d’escroquerie invoquée en France existe également dans le Code pénal suisse, mais d’une façon plus stricte. «Il faut établir l’astuce, ce qui peut s’avérer difficile. Mais ce n’est pas impossible, puisque le Tribunal fédéral a, par le passé, confirmé une condamnation pour escroquerie», ajoute Daniel Stoll.

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La scientologie et ses thérapies jugées onéreuses

Fondée en 1954 aux Etats-Unis par Ron Hubbard, l’Eglise de scientologie se présente comme une «religion pratique» qui propose des techniques pour résoudre ses problèmes personnels et améliorer le monde. Elle se base sur la «dianétique», technique qui permet de décrire le fonctionnement du psychisme. «Basé sur la croyance que l’on peut toujours faire mieux, ce système incite à poursuivre la démarche et à consommer», précise Brigitte Knobel. Souvent contesté, le prix que doivent débourser les adeptes pour du matériel et des stages est jugé onéreux. La Suisse romande compte deux églises: une à Lausanne et une à Genève, auxquelles s’ajoutent trois missions à Renens, à Vevey et à Lausanne.