Lorsqu’on discute avec Pierre-Marie Kerloc’h, attablé à la terrasse d’un pub de Quimper (Finistère), sa qualité ne saute pas aux yeux. Cheveux courts, rasé de frais, vêtu d’une simple chemisette et d’un jean, Per-Vari (son prénom en breton) est à mille lieues de l’image d’Epinal véhiculée par Panoramix dans Astérix. Cet ancien cadre de la poste et responsable syndical n’a pourtant rien à envier au personnage imaginé par Goscinny et Uderzo: il a été élu grand druide de Bretagne ou plutôt de la Gorsedd (assemblée en gallois) de Bretagne.

« Notre obédience a été fondée à la fin du XVIII’ siècle par Iolo Morganwg qui avait créé la Gorsedd galloise, l’une des trois obédiences officielles du néodruidisme. Nous sommes environ 2 000 membres, dont une petite cinquantaine en Bretagne. Toutes obédiences confondues, nous sommes des millions.»

Des groupes druidiques émergent ainsi un peu partout aux quatre coins du monde, et plus particulièrement au Royaume-Uni où le néodruidisme a été officiellement reconnu comme religion. Cette tendance néopaïenne qui connaît une certaine résurgence depuis les années 1960 reste pourtant très difficile à étiqueter tant les groupes ont leurs rites et caractéristiques propres. Mais tous ont en commun le même culte de la nature.

Une société très hiérarchisée

Pour intégrer la communauté, tout aspirant doit faire ses preuves pendant au moins deux ans. Puis le nouvel entrant devra choisir entre deux grades: barde ou ovate. Les premiers seront recrutés parmi les musiciens, les écrivains, poètes et les artistes en général. Les seconds, comme c’est le cas des menuisiers, ingénieurs ou même agriculteurs, auront une capacité « à transformer la matière ». Tous pourront ensuite postuler au titre de druide, mais pas avant d’avoir acquis «un statut, une certaine maturité et une connaissance de la Gorsedd ». Enfin, le collège druidique élit son grand druide chargé notamment de présider les quatre grandes cérémonies annuelles: Samain, Imbolc, Beltaine et Lugnasad, correspondant aux fêtes religieuses majeures celtes.

Beaucoup, aujourd’hui, mettent en doute la crédibilité du néodruidisme et notamment ceux qui prétendent être les dignes héritiers des druides de l’Antiquité.

C’est que très peu d’écrits y font référence. « Je suis persuadé que le druidisme s’est maintenu à travers les traditions, les contes, les cultes populaires. Périodiquement, dans l’histoire, on reparle des druides », se défend Pierre-Marie Kerloc’h. « Ces textes ne nous apprennent pas grand-chose. Il n’y a ni filiation historique ni texte fondateur. Après cela, tout est dit », tranche Renaud Marhic, journaliste français auteur du livre Sectes et mouvements initiatiques en Bretagne.

Renaud Marhic y évoque le témoignage d’un ancien membre de la Gorsedd expliquant avoir subi une manipulation mentale lors de son expérience druidique. A ce propos, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires surveille les groupes druidiques sans relever pour le moment la moindre dérive sectaire. « Nos membres ont une liberté de culte, s’énerve Pierre-Marie Kerloc’h. Les cérémonies sont publiques, la cotisation est fixée à 40 euros. Nous ne faisons ni prosélytisme ni porte-à-porte. Je ne vois pas ce que l’on fait de mal. ». Jacques Besnard

Source :
www.levif.be 13 juillet 2012, page 51