La façade du sanctuaire de Lourdes
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Pas assez pastoral et trop tourné vers la recherche de fonds. C’est en substance le reproche qui est fait au Sanctuaire de Lourdes et à ses responsables avec la nomination inattendue d’un délégué pontifical.
Mgr Antoine Herouard, évêque auxiliaire de Lille, a été nommé délégué pontifical pour le Sanctuaire de Lourdes au terme d’une visite canonique menée par Rome ces derniers mois, annonce le site officiel Vatican News. Sans que l’on sache précisément les faits reprochés à l’évêque de Lourdes et aux responsables du sanctuaire marial français, Mgr Hérouard est ainsi chargé de veiller à « accompagner l’accueil des fidèles ». Le pape François, explique-t-on officiellement à Rome, « souhaite que le primat spirituel soit mis en avant par rapport à la tentation de trop souligner les aspects liés à la gestion ou aux finances ».
Dans la lettre de nomination adressée à Mgr Hérouard, le pape souhaite que Lourdes devienne « toujours plus un lieu de prière et de témoignage chrétien correspondant aux exigences du Peuple de Dieu ». La décision romaine, indique Andrea Tornielli du dicastère pour la communication du Saint-Siège, « est en ligne avec celle déjà prise en 2017 pour Medjugorje : le pape François tient particulièrement au soin des pèlerins et désire que les centres de dévotion mariaux deviennent toujours plus un lieu de prière et de témoignage chrétien correspondant aux exigences du Peuple de Dieu ». Reste que la mission confiée à l’ancien secrétaire général de la Conférence des évêques de France et ancien supérieur du Séminaire français de Rome est « ponctuelle ».
Cette nomination plutôt inhabituelle sonne comme un désaveu pour l’évêque de Tarbes et Lourdes, Mgr Nicolas Brouwet, nommé en février 2012. Selon des sources proches du dossier, la Conférence des évêques de France elle-même n’a été avertie que très tard de l’enquête menée à Lourdes par l’envoyé du pape, Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation et depuis peu en charge des sanctuaires à travers le monde.
Les faits reprochés à Mgr Brouwet sont des « peccadilles », glisse un connaisseur du dossier qui évoque sa recherche active et tous azimuts pour trouver de l’argent pour la survie des sanctuaires. L’installation de plusieurs machines pour vendre des médailles souvenir à l’entrée du sanctuaire aurait notamment fait polémique. Il n’en reste pas moins vrai qu’en avril dernier, après 10 années passées dans le rouge, le Sanctuaire de Lourdes annonçait avoir terminé l’exercice 2018 à l’équilibre, avec même un excédent de 200 000 €. D’autres reprocheraient à l’évêque une certaine rigidité liturgique, un classicisme indéniable qui ne semble empêcher cependant la tenue à Lourdes de rassemblements venus de tous horizons au sein de l’Eglise, et pas seulement les plus traditionnels.
Au cours des derniers mois, Mgr Fisichella avait effectué plusieurs séjours à Lourdes pour y rencontrer Mgr Brouwet, ainsi que le recteur du sanctuaire le père André Cabes, le directeur général Guillaume de Vulpian, et plusieurs responsables et employés. Il avait ensuite rapporté fin mars au pape François les fruits de son enquête. Un collaborateur du sanctuaire confiait en avril dernier à Famille Chrétienne qu’il constatait une certaine « faiblesse pastorale » et reprochait à ses responsables de préférer les actions d’éclat pour attirer des pèlerins du monde entier et éponger les dettes à une réelle attention aux malades.
De façon inhabituelle, la nomination de Mgr Antoine Herouard comme délégué pontifical pour le Sanctuaire de Lourdes n’a pas été publiée en milieu de journée au bulletin officiel du Saint-Siège, mais un peu plus tard sur le site de Vatican News. Dans un communiqué, Mgr Nicolas Brouwet a souhaité voir dans cette nomination « un témoignage de l’intérêt que porte le pape » au Sanctuaire de Lourdes. « Cette aide, écrit-il, est la bienvenue pour nous aider à mieux structurer notre organisation interne et nous mettre toujours plus au service des pèlerins ».
Antoine-Marie Izoard