La Cour suprême de Colombie-Britannique a statué mercredi que les préjudices causés aux femmes et aux enfants d’une famille polygame doivent supplanter la liberté de religion du père. L’article du Code criminel rendant illégale cette pratique respecte donc la Constitution, a estimé le juge en chef Robert Bauman.

Mais le dossier semble destiné à être porté en appel devant la Cour suprême du Canada. Cette possibilité devrait-elle empêcher les procureurs de Victoria de lancer des poursuites contre les hommes polygames de Bountiful? Les avis des experts divergent.

Mary Ellen Turpel-Lafond, la haute fonctionnaire britanno-colombienne en charge de l’enfance et de la jeunesse, a appelé ses collègues du ministère de la Justice à agir sans délai. «Il est clair que le tribunal a conclu que la polygamie était un acte criminel», a-t-elle affirmé au court d’une entrevue.

«Pour moi, ce qui est au coeur du débat, c’est le sort de l’enfant. Le tribunal a pu voir des preuves selon lesquelles des enfants d’à peine 12 ans marient des hommes de 58 ans. J’espère donc qu’on amorcera des enquêtes criminelles.»

Mme Turpel-Lafond comprend pourquoi les procureurs de Victoria doivent rester prudents, particulièrement avec la possibilité d’un appel. Mais le jugement de la Cour suprême de Colombie-Britannique, qui a pris fait et cause pour les préjudices causés aux femmes et aux enfants, devrait pousser les autorités à agir promptement, a-t-elle estimé.

Selon Mary Ellen Turpel-Lafond, le ministère provincial des Enfants et de la Famille devrait aussi ouvrir des enquêtes distinctes sur le bien-être des jeunes résidants de Bountiful.

Des procédures judiciaires avaient été amorcées dans la foulée de presque deux décennies de controverses entourant la petite communauté mormone de Bountiful, en Colombie-Britannique. Ses résidants adhèrent à une vision fondamentaliste de la religion qui prévoit que la polygamie est nécessaire pour accéder au paradis.

En 2009, un premier procureur spécial nommé par la province avait refusé d’intenter des poursuites contre Winston Blackmore et James Oler, deux leaders de la communauté, faisant valoir que la constitutionnalité de la loi interdisant la polygamie devait d’abord être validée par les tribunaux.

Mais un deuxième procureur spécial avait été nommé par le gouvernement provincial afin de poursuivre sans délai les deux polygames. Le juge en charge de ce procès avait conclu que ce changement de procureur spécial pouvait donner l’impression que le monde politique s’était ingéré dans le système judiciaire, et avait annulé les poursuites.

L’échec des procédures a finalement poussé la province à faire valider par les tribunaux la constitutionnalité des lois interdisant la polygamie au Canada.

La procureure générale de la province, Shirley Bond, refuse maintenant d’indiquer si ses avocats déposeront de nouveau des accusations contre les polygames de Bountiful. Elle a toutefois reconnu que la possibilité d’un appel du jugement de mercredi complique le dossier.

«Il est certain que la situation qui prévaut à Bountiful demeurera l’une de nos responsabilités», a admis Mme Bond. «Je suis très consciente du fait que ce dossier pourrait atterrir devant la Cour suprême du Canada, alors je ne ferai pas de spéculations.»
sOURCE / jeudi 24 novembre 2011
par La Presse Canadienne

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