Avant, quand je revenais d’une conférence, je disais : « Les intervenants étaient top. » Maintenant, les yeux brillants, je m’exclame : « Les talkers étaient inspirants ». Derrière ce wording exalté où l’efficacité semble céder la place à la beauté se cachent trois phénomènes : le succès des conférences TED, le fantôme de Steve Jobs et la mode du stand-up qui s’est emparée du management. Mais d’abord, ça veut dire quoi tout ce charabia ? En matière de business, une personnalité inspirante, c’est un conférencier qui stimule votre créativité et vous aide à trouver du sens à votre travail. C’est aussi une personnalité qui a envie de partager. D’ailleurs le jumeau de l’inspiration, c’est le « partage », qui règne en maître sur les réseaux sociaux…

Le salarié « inspiré » ne dit plus « bonnes vacances », mais « bel été »

Votre modèle (conscient ou non), c’est Steve Jobs. Sans doute un des premiers gourous new age à prêcher le business comme on peut en voir aujourd’hui dans les conférences TED. Des cols blancs y tiennent gratuitement, à travers le monde entier, des propos inspirants devant d’autres cols blancs qui, eux, auront payé leur place à prix d’or. Inspirer, c’est donc in fine monétiser sa parole, son parcours, son CV, sa boîte (mais faut pas le dire). Pour cela, il faut : se faire désirer (faire un livre, passer à la télé, être cool, voire les trois) ; maîtriser les règles du stand-up d’entreprise (parler sans notes, éviter les slides trop chargés, manier tant l’humour que l’émotion) ; vouloir bâtir un monde meilleur pour ses enfants et leurs enfants. Si on devait imaginer le conférencier inspirant idéal, ce serait une femme qui aurait monté une start-up verte après un séjour parmi les Indiens d’Amazonie et qui témoignerait transfigurée devant un public subjugué. Car avec un speaker inspirant rien n’est jamais plus comme avant. Ça ressemble à du boniment ? C’est pourtant ce que cherchent aujourd’hui les entreprises et les salariés qui aiment servir un philosophe ou un explorateur en accompagnement de leurs plateaux repas. Le « sens au travail » compense ainsi la stagnation généralisée des salaires depuis les débuts de la crise.

Une fois inspiré, le salarié ne dit plus « bonnes vacances », mais « bel été » et ceci dans un courriel qu’il souhaite aussi profond qu’inspiré. Car un salarié inspiré est un salarié altruiste. De même, son chef de service ne dit plus « Tu as raison Jean-Pierre, c’est pas con ton truc. » Mais « Théo (ou Mathis), c’est vrai, ta proposition fait sens ». Chacun saisira la nuance. Dans son livre Communicate to Inspire (KoganPage), le consultant Kevin Murray offre les six clés qui suivent pour inspirer ses collègues et leur transmettre le virus de la créativité, de l’énergie et de l’optimisme. Aimer ce que l’on fait. Encourager les autres et les remercier. Soigner son look. Sourire. Faire ce que l’on dit, dire ce que l’on fait. Être constant et régulier dans l’effort. Voilà, vous avez tout pour inspirer mais n’oubliez pas de respirer.

SOURCE :LUNDI, 07 JUILLET 2014
PAR DAVID ABIKER
http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/open-space/articles/comprenez-vous-le-langage-de-votre-manager/14746