Le Parisien – 08.06.2009

Anne-Cécile Juillet

Eprouvante matinée pour les représentants de l’église de Scientologie, poursuivis pour escroquerie en bande organisée depuis le 25 mai. Lundi matin, ils ont affronté deux témoins cités par les parties civiles, devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Deux témoins en tout et pour tout, mais deux pourfendeurs historiques du mouvement, qu’ils qualifient sans ambages de «secte» : Jean-Pierre Brard, député ex-PCF de Seine-Saint-Denis, et surtout Roger Gonnet, qui a dirigé le centre de Scientologie de Lyon.

Ils ne mâchent pas leurs mots, rompus aux poursuites judiciaires que la Scientologie, mais aussi d’autres mouvements, leur ont fait connaître.

{{Brard : «L’une des sectes les plus dangereuses»}}

Appelé le premier à la barre, Jean-Pierre Brard a été de toutes les commissions d’enquêtes parlementaires sur le sujet, depuis 1995. «La Scientologie est l’une des sectes les plus dangereuses, les plus efficaces et les plus âpres au gain», attaque-t-il d’emblée. Elle a deux objectifs selon lui : «Le pouvoir et l’argent. L’argent pour accéder au pouvoir et le pouvoir pour accéder à l’argent.» La présidente, Sophie-Hélène Château, veut des détails, notamment lorsque le député avance que la Scientologie construit l’opacité sur ses circuits de décision et de financement : «C’est comme un système de drainage, illustre-t-il. Vous ne voyez pas tous ces petits canaux souterrains, mais ils fonctionnent très bien, et l’eau arrive toujours à bon port», sous entendu à la maison-mère, américaine.

{{Gonnet : «Le test de personnalité est truqué»}}

Roger Gonnet, Les vrais détails, pourtant, c’est le second témoin qui les apportera au tribunal. Pendant huit ans, jusqu’au début des années 1990, Roger Gonnet a dirigé le centre de Scientologie de Lyon. Jusqu’à ce qu’un désaccord avec sa hiérarchie le pousse à la rupture totale avec l’organisation. Depuis, il ne cesse d’étudier et de traquer les dérives de son ancien mouvement, dont il connaît les préceptes, a lu tous les réglements, et décrypte les évolutions. A la barre, un fatras de documents à l’appui, décodant systématiquement le vocable scientologue, il revient sur les principales interrogations du tribunal. Le test de personnalité, notamment, premier contact avec la Scientologie pour les futures recrues.

L’une des plaignantes, Aude-Claire Malton, avait répondu à ce test «analysé gratuitement», concocté par la Scientologie qui l’a recrutée ainsi. «Il est totalement truqué, explique l’ancien adepte, les résultats sont calculés de telle façon que vous n’ayiez aucune chance que votre test ne soit pas critiqué.» Avec un mot d’ordre: pour s’améliorer, il faut suivre des cours, et donc, payer. «C’est un moyen capital pour faire venir les gens», assure Roger Gonnet, battant en brèche les allégations des prévenus, qui, la semaine dernière, en minimisaient l’impact.

{{Les cures de purification : «J’aurais pu avoir des morts»}}

Les cures de purification, ensuite. C’est l’une des premières étapes à franchir pour le futur «clair», c’est à dire le futur scientologue reconnu, qui consiste en un cocktail intensif de sauna, de sport et de prise de vitamines -vendues explcusivement par une officine de la Scientologie-. Evoquant le cas de l’une de ses adeptes, allergique aux produits imposés, l’ancien directeur scientologue, qui n’a aucune formation de médecin, concède : «J’étais inconscient des risques que je faisais courir, j’aurais pu avoir des morts…». La présidence passe au crible les tarifs pratiqués, «appelés donations pour se donner un air religieux», selon Gonnet.

{{L’électromètre : «Une rente à vie»}}

Puis c’est au tour de l’électromètre, cet outil utilisé pour capter, selon des variations électriques, l’état mental d’un adepte, vendu aux alentours de 5 000 €, «qui en vaut vingt fois moins, mais qui assure une rente à vie, puisque tous les deux ans, chaque scientologue, qui doit en avoir un, le fait renvoyer pour 800 € de frais d’entretien».

La rémunération des membres actifs, enfin : «Leurs payes sont calculées en fonction de leur résultat, qu’ils doivent sans cesse améliorer. Il arrive même à certains dirigeants que vous voyez là (le témoin évoque Alain Rosenberg, l’actuel directeur général du Celebrity Center, NDLR) de ne pas déclarer à la maison-mère toutes les demandes de remboursement qu’il reçoit, pour une raison simple. A chaque remboursement, la totalité des membres actifs est privée de salaires pendant un temps donné…»

Assis les uns à côtés des autres, les sept prévenus, de temps à autre, lèvent les yeux au ciel, pouffent ou s’indignent. Le témoignage de cet «apostat» n’a que peu de valeurs à leurs yeux. Ce mardi continue le défilé des témoins, appelés par la défense cette fois. Ils sont près d’une trentaine.

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