Le gouvernement dévoile les grandes lignes de la réforme pénale

Christiane Taubira ne cesse de le répéter : les victimes sont sa priorité. La garde des sceaux n’a-t-elle pas créé 79 bureaux d’aide aux victimes en 2013 ? Quant à la réforme pénale, indique-t-on au ministère, elle contient « des dispositions fortes pour les victimes ». Dans le détail, le texte prévoit en effet quatre mesures les concernant, regroupées dans l’article 11 de la loi. Mais il s’agit essentiellement de dispositions déjà prévues dans la loi, comme le droit, pour la victime, d’être informée de la fin de l’exécution de la peine.

« Ce droit existe en théorie mais en pratique, il est très peu appliqué. En réaffirmant les droits des victimes sous un même article, la loi leur donne du poids », veut croire Michèle de Kerckhove, présidente de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (Inavem), qui regroupe 150 associations. L’institut soutient l’essentiel de la réforme, notamment la mise en place de la « contrainte pénale » qui « peut permettre la fin des sursis simples et de la non-exécution des peines ».

Mais une telle position détonne dans le paysage des associations d’aide aux victimes. La contrainte pénale effectuée en milieu ouvert a plutôt tendance à cristalliser les craintes et les oppositions. « C’est un signal d’impunité donné aux auteurs », juge Sophie Piel, porte-parole d’un collectif de familles de victimes, reçue au ministère. « Il faut que la ministre en exclue les agressions sexuelles », insiste aussi Isabelle Aubry, présidente de l’Association internationale des victimes de l’inceste (AIVI), qui espère encore être entendue.

Le ministère, qui reconnaît avoir débattu de cette option, a préféré retenir la limite des cinq ans de prison ferme encourus. La contrainte pourra cependant être assortie d’une obligation de soins pour l’auteur. Les victimes, elles, pourront « saisir l’autorité judiciaire de toutes atteintes à leurs intérêts ». Des garanties insuffisantes pour l’AIVI : « On ne sait pas bien prendre en charge les auteurs d’agressions sexuelles. Les psychiatres sont peu formés ou pas assez nombreux », déplore Isabelle Aubry, fustigeant une loi qui ne parle « que de la réinsertion des auteurs, jamais de celle des victimes ».
« Évaluer les répercussions des actes commis sur la victime »

Son association plaide pour l’élaboration d’un protocole de prise en charge financière et psychologique des victimes. Une disposition qui figure d’ailleurs dans les recommandations du Conseil de l’Europe concernant la probation : « Les États devraient s’engager à ce que les victimes soient assistées dans tous les aspects de leur réintégration, que ce soit dans la communauté, à leur domicile ou sur leur lieu de travail ». Cette assistance peut comprendre des « prestations de soins médicaux, d’aides matérielles, et des services de santé psychologique autant que des services sociaux et de conseil », le tout gratuitement.

Les associations espèrent que la ministre s’engagera en ce sens lors d’un nouveau rendez-vous au ministère, début octobre. De même, elles plaideront pour que « l’évaluation de la personnalité de l’auteur », prévue par la réforme, comprenne une enquête victime. « Évaluer les répercussions des actes commis sur la victime peut aider à mieux définir le contenu de la peine », explique Michèle de Kerckhove, dont l’institut a répondu à un appel d’offres européen pour établir le cahier des charges d’une telle enquête.

« Nous demandons aussi que cette enquête victime soit déléguée à nos associations, poursuit-elle. Nous sommes des experts dans ce domaine et cela pourra soulager les services de probation. » Car les associations en sont toutes convaincues : même avec 450 créations de postes, ces services risquent fort d’être débordés.

source : La Croix par FLORE THOMASSET