PAR NICOLAS FAUCON
Manipulation mentale, infantilisation, privation de nourriture, brimades… Olivier Demarle, intérimaire roubaisien, dit avoir vécu « l’enfer » entre 1998 et 1999 dans la communauté des Béatitudes de Thy-Le-Château (province de Namur), en Belgique. Christian Cabus, le président du Centre contre les manipulations mentales Nord – Pas-de-Calais (CCMM, agréé par l’Éducation nationale), a transmis le « dossier » au procureur de la République de Lille. « On attend une réponse. » Olivier Demarle compte également porter plainte pour abus frauduleux d’état de faiblesse (article 223-15-2 du code pénal).
« Inceste platonique »
La CCMM a aussi fait parvenir à la justice le témoignage d’une femme de la métropole lilloise. Sa fille, médecin, a coupé les ponts avec elle depuis son entrée aux Béatitudes. « C’était en 1999, raconte-t-elle. Mon gendre me téléphone et me dit : “Hélène (prénom d’emprunt) fait un accompagnement spirituel avec les Béatitudes. Il va lui falloir couper avec vous.” Depuis, je ne la vois plus, Elle me reproche un inceste platonique ! Et mes petits-enfants, je ne les vois plus qu’à Noël. » Christian Cabus : « Ils ont subi les faux souvenirs induits. » La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires définit ces faux souvenirs induits comme la « falsification de la mémoire réelle ou imaginée par des praticiens incompétents ou poursuivant des objectifs d’asservissement ».
Née en 1973, la communauté des Béatitudes compte en France 27 « maisons » qui accueillent sous le même toit des laïcs lambda et des religieux, des mariés ou des célibataires. Elle « fait partie des communautés nouvelles nées dans l’Église catholique à la suite du concile Vatican II et dans la mouvance du renouveau charismatique », lit-on sur le site Internet du mouvement. Dans la région, une seule adresse : Cambrai. « Une communauté très bien ancrée dans le diocèse, qui n’a jamais fait parler d’elle », indique-t-on de source policière.
Adoubées par l’église catholique, ces communautés apparaissent de plus en plus souvent dans les rubriques « faits divers ». Des associations de lutte contre les sectes dénoncent des manipulations mentales, des abus de pouvoir, du racket.
« À l’époque, j’avais besoin d’être accompagné psycho-spirituellement… Mais le berger de cette époque était un gourou qui m’infantilisait en me renvoyant toujours à mes blessures », explique Olivier Demarle, la première personne à se plaindre publiquement des Béatitudes dans la région. Il avait voulu déjà saisir la justice en 1999. « Mais faute de sévices physiques, le recours avait peu de chances d’aboutir. Aujourd’hui, on en parle plus.
» Du côté de l’Église catholique, des « phénomènes comme ceux-là ne font jamais plaisir », confesse le père Edouard Haverland, responsable des nouvelles communautés au diocèse de Lille. Certains craignent-ils une dérive sectaire au sein de l’Église ? « C’est le spectre qui vient à chaque fois quand des communautés sont très fermées. Le problème, c’est qu’ont parfois été mêlés ici des méthodes psychothérapeutiques et des éléments de guérison spirituelle. » Mais c’est le Vatican qui seul peut faire le ménage… « Les communautés ne dépendent pas de l’évêque mais de Rome, qui, après n’avoir pas été peut-être très attentif, vient de leur donner un délai de deux ans pour rectifier leur statut interne de gestion et pour se mettre au niveau au regard des méthodes de guérison. » •
> Nous avons joint hier le frère Giovanni, responsable de la communauté de Thy-Le-Château, qui dit n’être pas au courant de l’histoire de M. Demarle, n’étant pas présent à l’époque des faits
La Voix du Nord, dimanche 25 mai 2008