On ne peut pas dire que l’UBF croulait sous les demandes. «Quelques dizaines par an, tout au plus, indique son président, Olivier Wang’Genh, traitées de manière informelle et selon le bon vouloir du directeur de prison.” Il parie toutefois sur une augmentation des besoins dès que l’offre d’aumôniers bouddhistes sera connue et opérationnelle dans les neuf régions pénitentiaires de France. Un peu prise au dépourvu et sans
réseau constitué, l’UBF vise l’installation «d’un ou deux” aumôniers régionaux en 2012, avant la désignation de l’aumônier national. Par cette décision, les pouvoirs publics poursuivent l’institutionalisation de cette religion en France. Créée en 1986, l’UBF n’a été conviée qu’en 2008 à la traditionnelle cérémonie des voeux du président de la République aux représentants des cultes. Cette année-là, le responsable bouddhiste
accompagnait pour la première fois ses confrères catholiques, protestants, orthodoxes, juifs et musulmans. Il y a un an, l’UBF a aussi participé à la création de la Conférence des responsables de culte en France (CRCF).

Formés par les protestants

L’association revendique «1 million de bouddhistes en France, dont 700.000 personnes originaires de pays asiatiques”. Mais selon les spécialistes du bouddhisme, la réalité est plus floue, oscillant entre un noyau dur de
20.000 pratiquants réguliers et une population de 5 millions de personnes qui se disent «proches” de cette spiritualité. La nomination d’aumôniers permettra de toucher, au-delà des pratiquants, cette catégorie de personnes, selon M. Wang-Genh, pour qui « la méditation, le recueillement, peuvent être propices dans le milieu pénitentiaire “. Reste à fournir aux moines, nonnes ou laïcs une formation juridique et psychologique adaptée à la prison, où les aumôniers ont un statut particulier; ils peuvent notamment se retrouver seuls avec les détenus. Forte de sa longue expérience en milieu carcéral, la Fédération protestante de France a proposé aux bouddhistes de les accueillir lors des journées de formation destinées aux aumôniers protestants.

Cette nouveauté s’inscrit dans la forte évolution qu’a connue l’institution au cours des années 2000, avec l’arrivée d’aumôniers musulmans. A l’heure actuelle, outre les bénévoles, quelque 200aumôniers catholiques sont salariés à temps plein par l’administration pénitentiaire, une soixantaine de musulmans, environ 80 protestants et une quarantaine de juifs, selon une répartition qui ne correspond plus forcément aux besoins locaux. En avril, un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté dénonçait le manque d’aumôniers dans «les religions minoritaires”.

Par ailleurs, un contentieux, en cours devant la justice, oppose toujours les pouvoirs publics et l’association des Témoins de Jéhovah, qui réclame l’autorisation de faire entrer en prison des aumôrtiers pour ses fidèles – une centaine de demandes par an, selon les Témoins de Jéhovah. Pour justifier son refus, la chancellerie met régulièrement en avant le faible nombre de détenus concernés.

La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a estimé en 2010 que l’argument du nombre, qui n’est pas utilisé pour les autres cultes, « constitue une rupture d’égalité devant la loi “. Ce critère du nombre n’a, de fait, pas été pris en comp pte pour les bouddhistes .

Source : LE MONDE par STÉPHANIE LE BARS