LE MONDE | Article paru dans l’édition du 18.06.08.

L’Académie nationale de médecine s’inquiète de l’émergence des “doulas”. Alors que ces “accompagnantes de la naissance”, sortes de “coachs” de la femme enceinte, ne seraient qu’une centaine en France, les membres de l’Académie émettent de fortes réserves sur cette “nouvelle profession” dans un rapport présenté lundi 16 juin. Selon eux, “l’immixtion de personnes insuffisamment formées dans le déroulement de la grossesse et de l’accouchement peut représenter un danger”.

Apparues il y a une trentaine d’années aux Etats-Unis, les doulas sont, depuis 2003, regroupées dans plusieurs petites associations en France. Ni sages-femmes ni médecins, ces femmes proposent aux parents un accompagnement non médical (et payant) du début de la grossesse jusqu’aux suites de couches. Elles se proposent de les soutenir moralement et physiquement (par des exercices de relaxation, des massages, une préparation à la gestion de la douleur, etc.), de servir de lien avec le personnel médical et d’établir un “projet de naissance”.

Leur apparition n’est pas fortuite, reconnaît l’Académie. Au-delà de “l’évolution de la société” et de “l’engouement pour le coaching”, le rapport pointe “la modification de l’offre de soins en périnatalité”, avec notamment la fermeture des petites maternités, qui a abouti à un “éloignement des structures” non compensé par un renfort de personnel. De plus, les progrès médicaux ont engendré “une médicalisation considérée comme excessive et mal supportée par certaines mères”. Enfin, la sortie précoce de maternité “laisse les accouchées souvent seules et désemparées”.

Bref, tout aurait contribué à l’émergence des doulas. Pour le moment, leur audience est marginale et toucherait surtout “les couples issus de la classe moyenne ou supérieure vivant en ville”. Cent trente-huit naissances auraient été ainsi accompagnées en 2006, parmi lesquelles 34 % auraient eu lieu à domicile. Ce dernier aspect préoccupe particulièrement l’Académie. Tout comme les risques de “retard d’hospitalisation”, d'”emprise”, voire “de déviance plus ou moins sectaire”. “Doit-on tolérer une profession fixant elle-même ses règles ?”, s’interroge l’Académie, qui “met en garde contre toute reconnaissance officielle de la formation et de la fonction des doulas”.

Constatant que l’existence de ces “accompagnantes” est le signe d’un déficit de prise en charge personnalisée des femmes enceintes, les membres de l’Académie demandent “un renforcement des effectifs de sages-femmes pour leur donner plus de disponibilité et leur permettre de mieux accompagner” les futures mères. Ils réclament également un “développement, notamment dans les régions rurales, de postes de sages-femmes de la Protection maternelle et infantile”, ainsi que “la promotion d’aides et de sages-femmes à domicile”.

Dans ses recommandations, l’Académie “prend acte” de l’expérimentation des “maisons de naissance” parmi les nouveautés censées améliorer le soutien et le confort psychologique des femmes. Maintes fois évoquées par le ministère de la santé, ces maisons restent, pour l’heure, à l’état de projet.

Sandrine Blanchard