L’actrice est passée derrière la caméra pour raconter l’histoire de sa famille, qui a rejoint une communauté religieuse aux pratiques sectaires. Un film coup de poing. 21.

© © 2019 Mon Voisin Productions / Epithète Films / France 3 Cinéma

Plus qu’un basculement, il s’agit d’un glissement. Rien de brutal, la douceur est à la manoeuvre. Lorsqu’à 12 ans, Camille, l’aînée d’une fratrie de quatre enfants, apprend que la famille va s’installer au sein d’une communauté charismatique catholique, elle ne se rebelle pas. Ses parents ont l’air ravis. Forcément, ça rassure. Très vite, cette vie régimentée, pleine de préceptes, d’interdits et bientôt d’abus, enferme à double tour la famille hors du monde. Seule Camille est clairvoyante. Mais comment ouvrir les yeux à ses parents éblouis ? À travers Camille, merveilleusement incarnée par la novice Céleste Brunnquell, 16 ans, qui s’imposait, en 2019, comme un talent prometteur, la comédienne Sarah Suco (Les Invisibles) se raconte : “De 8 à 18 ans, j’ai vécu avec ma famille dans une communauté charismatique.”

“Il est simple de se laisser embrigader” 

Ce film, Sarah l’avait en elle depuis longtemps. À 35 ans, le moment était venu de raconter ce passé douloureux : la résilience et la thérapie ont fait leur oeuvre. “Il me fallait du temps et de la distance. Si je l’avais fait à 25 ou 30 ans, ma colère n’aurait pas été suffisamment apaisée.” Elle précise que “la réalité a été bien pire et bien plus intense” que ce qu’elle montre à l’écran. Souvent, on reste sans voix. Voir les fidèles bêler telles des brebis à chaque apparition du Bon Berger, le prêtre à la tête de la communauté, est juste hallucinant. Sous la soutane du gourou faussement bonhomme, Jean-Pierre Darroussin excelle dans l’ambiguïté. Sa suavité toxique, sa bonté venimeuse font froid dans le dos. Sarah a choisi de tout montrer à travers Camille, son double de fiction qui va décider de devenir adulte, d’être une mère pour son frère et ses soeurs, alors que ses parents, eux, s’infantilisent. Avec Camille qui a compris que « maman est folle », on assiste à cette descente aux enfers familiale. “Le film raconte à quel point il est simple de se faire embrigader lorsque les besoins sont en nous et qu’un groupe nous attire de belle manière.” 

 Un film de combat 

Avec cette mère sous emprise, Camille Cottin trouve là son rôle le plus dramatique. Elle connaissait l’histoire de Sarah, sa camarade de jeu dans La Troupe à Palmade. “Sarah a vécu des moments difficiles, mais elle possède une force et un humour incroyables”, confie Camille, qui a hésité avant d’accepter le rôle. Impossible, pour elle, de comprendre que l’on puisse basculer et sacrifier le bonheur de ses enfants. Elle livre une performance tout en subtilité, entre fragilité et monstruosité. Dans le rôle du père, effacé et lâche, Éric Caravaca est, lui aussi, parfait. Pour Sarah Suco, qui ne voit plus ses parents, Les Éblouis est un film de combat. C’est le témoignage puissant d’une rescapée décidée à mettre en pleine lumière l’embrigadement et la maltraitance dont les enfants sont souvent victimes au sein des communautés sectaires, religieuses ou non. Sarah a dédié son film à son frère et à ses soeurs.

Les Éblouis : mardi 8 décembre à 21h05 sur Canal+

source : https://www.programme-television.org/news-tv/Les-Eblouis-Canal-Sarah-Suco-raconte-son-enfance-dans-secte-4666301