Évangélistes, pentecôtistes, etc., elles sont au moins 500 églises, dites du réveil ou éveillées, hors-la-loi pour nombre d’entre elles. Principalement implantées dans les centres urbains, plus particulièrement à Yaoundé, la capitale, et à Douala, la capitale économique, elles sont particulièrement bruyantes et irrespectueuses du voisinage.
Elles empoisonnent, quasi-impunément jusque-là, la vie de centaines de milliers de riverains, dont elles troublent la tranquillité. Face à leur prolifération, l’exaspération grandissante de la population a incité Naseri Paul Bea, le Gouverneur de la région du Centre, à monter au créneau, début août, pour mettre fin à ces pratiques abusives (1).
Se réclamant des mouvements évangéliste ou pentecôtiste, ces églisettes, comme les nomment les habitants, souvent installées dans de simples villas, racolent et recrutent des Camerounais(es) égaré(e)s dans une société camerounaise en mal de repères stables, malgré la prégnance de valeurs morales fortes, au sein des différentes ethnies (plus de 200) qui composent la mosaique de la population.
Ce sont pour la plupart des gens perdus, psychiquement vulnérables, qui souffrent de ne pas trouver une position à leur convenance dans la cité, et d’autres qui sont frustré(e)s par une vie quotidienne familiale monotone, dans laquelle ils ou elles ont le sentiment de s’étioler. Des gens, à l’évidence, décalés, mal préparés à faire face à la réalité de l’existence, avec ses hauts et ses bats, qui sont des proies de choix pour les sectes évangélistes et pentecôtistes.
Sono à fond et vacarme infernal durant des heures
A Yaoundé, le phénomène a pris une ampleur telle, que, déjà en 2013, les autorités, alertées par la multiplication de plaintes pour trouble à l’ordre public, avaient fermé administrativement plusieurs de ces églisettes. Hélas, comme cela s’est passé dans le premier arrondissement de Yaoundé, elles ont rouvert, après quelques jours seulement (2). Enfreignant la loi, les autoproclamés « pasteurs » continuent leurs vociférations, dans un vacarme infernal, de jour comme de nuit, pendant de longues heures, sans se soucier le moins du monde des perturbations et nuisances sonores causées au voisinage.
Des voisins, auxquels nul n’est venu demander leur avis, pour les désagréments subis. Des résidents, le plus souvent pris au piège d’une installation non souhaitée, de l’un ces temples, à quelques mètres seulement de leur habitation. On y vénère un Dieu de la réussite matérielle, censé promouvoir l’argent. On éructe, sans relâche, pendant des heures, au nom de Jésus, dont on scande inlassablement le nom sans respect, en gueulant, en braillant frénétiquement dans un micro qui amplifie de façon assourdissante les sons et les voix. Plus personne ne s’entend à l’intérieur des maisons proches. Le quartier est plongé dans un brouhaha confus, mêlant cris incessants et force décibels. De façon consternante, les « fidèles », pris d’hystérie collective, crient « amen » à tout-va, face au « dépouilleur » de leurs bourses.
Les faux miracles sont le clou du spectacle
Principalement fréquentées par les femmes, apparemment plus sujettes aux crises existentielles que la gent masculine, et en proie à des pulsions licencieuses, celles-ci viennent chercher l’absolution de leurs fautes, pour les repenties, et l’autorisation, pour les autres, de poursuivre dans la voie de la destruction des liens maritaux qui entravent leur soif de liberté. Les divorces, qui sont consécutifs à la fréquentation d’une églisette par l’un des époux, sont mis en exergue par les observateurs, qui notent leur nombre important.
On est loin du dogme chrétien originel. Jésus n’a jamais été un prophète coercitif, encore moins vindicatif. Nous sommes à des années-lumière de la pratique cultuelle apaisée et propice au recueillement des « vrais » chrétiens. L’intérieur des églisettes est le théâtre d’un show endiablé permanent. Les faux miracles sont le clou du spectacle. Ils sont mis en scène avec l’aide de complices, pour impressionner les nouveaux arrivés, pas encore adeptes, afin de les convaincre de payer une coquette cotisation, laquelle ira enrichir le prétendu homme de Dieu.
Après quelques années d’exploitation de son commerce pseudo-religieux florissant, ce dernier disparaît, comme par enchantement, pour rejoindre un pays occidental, après avoir fait fortune sur le dos de Camerounais, incroyablement crédules, qu’il aura bernés sans vergogne, les détournant d’une existence “normale”, ruinant nombre d’entre eux, tant sur le plan financier que moral et affectif.
Deux, trois, quatre églisettes, côte à côte
Il est permis de douter de la formation théologique de ces bonimenteurs qui n’auraient, dit-on au pays, pu agir sans certaines complicités…, les mêmes qui gangrèneraient les rouages d’un Etat qui, semble-t-il, malgré les mesures énergiques prises depuis plusieurs années (Commission nationale anticorruption, opération Epervier, etc.), peine à assainir les comportements.
Officiellement, seules 47 congrégations religieuses ont l’autorisation d’exercer leur culte, sur le territoire camerounais. L’autorisation n’est délivrée que par le Chef de l’Etat. Elle n’est effective qu’après la parution du décret correspondant. Depuis 1998, à l’exception de l’église orthodoxe grecque, en 2009, il n’a plus été délivré d’autorisation. Or, au moins 500 églises (ou églisettes) ont vu le jour, apparemment, en toute illégalité.
Il est fréquent de voir pousser, comme des champignons, dans l’enceinte d’un même quartier, dans un rayon de 100 à 150 mètres à peine, deux, trois voire quatre temples, pratiquement côte à côte, qui se font une concurrence acharnée, pour attirer le client, surtout la cliente désespérée, en quête d’une vie facile et de plaisirs illusoires, qui, sous l’influence du pasteur, ne rechignera pas à payer des sommes folles à l’église, quitte à briser son foyer.
Une secte où tout est pensé pour manipuler les esprits fragiles
Complètement fanatisées, les brebis de ces pasteurs n’ont pas conscience d’être manipulées, prisonniers et prisonnières qu’ils et elles sont d’une secte à vocation strictement commerciale. Tout est pensé par le pasteur pour pigeonner ces âmes fragiles : la mise en scène, la musique, le décor, les soi-disant séances d’exorcisation, de jour comme de nuit, au cours desquelles il est question, par la répétition d’injonctions fracassantes, ponctuées de cris hystériques, de faire sortir le diable du corps de l’un des participants (souvent une femme), dans un tapage sonore insupportable.
Ces séances, dites de délivrance, d’une rare violence, relèvent évidemment de la supercherie. Pris dans l’excitation, l’individu entre naturellement en transe, son esprit est perturbé, comme l’est celui d’un alcoolique copieusement aviné. Désinhibé, il est alors capable de toutes les outrances, sous la domination mentale du pasteur. Hélas, la lucidité est bannie de ces endroits, supposés lutter contre satan, et qui sont, en fait, le terrain de jeu de pasteurs démoniaques, dont le seul but est de ramasser un maximum d’argent.
Le pasteur viole sa propre fille pour l’exorciser
Beaucoup de gens se sont inquiété de la prolifération de ces sectes qui, telles des pieuvres, déploient leurs tentacules sur le pays et tuent la conscience et l’équilibre de vie de nombreux habitants, victimes de leur naïveté. Des actes criminels, comme le viol de sa propre fille par un pasteur, sous prétexte de l’exorciser, témoignent de l’absence totale de morale chez certains (3). Des dérives délictuelles et criminelles, liées à l’activité de ces églisettes, qui font périodiquement la une des journaux.
Ces églisettes pseudo-évangéliques sont devenues un véritable cancer pour le Cameroun (4). Une action radicale des autorités est probablement nécessaire pour éradiquer ce mal. Cela passe aussi par l’éducation civique et l’enseignement de l’histoire des religions. La foi est une attitude qui relève de l’intimité de chacun, dans le silence et la discrétion. Le prosélytisme invasif et bruyant est toujours suspect, surtout, comme c’est le cas pour ces évangélistes ou pentecôtistes, lorsque l’argent a pris la place de Dieu dans les prières.
“La liberté de chacun s’arrête où commence celle de l’autre, des autres”, a clairement indiqué le Gouverneur de la Région du Centre. Cela porte un nom, que les pasteurs affairistes et leurs acolytes méprisent souverainement : le respect. Le respect d’autrui, surtout !