En 1916, un psychologue américain nommé James Leuba prédisait avec beaucoup de certitude que le développement des sciences allait bientôt reléguer aux oubliettes l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme.

Un sondage réalisé à l’époque par le chercheur révélait que 60% des scientifiques américains ne croyaient pas à l’existence de Dieu. Si ce monsieur, décédé en 1945, revenait dans son pays, il aurait une grande surprise. Non seulement 40% des scientifiques y disent encore croire en Dieu, mais si la tendance se maintient, la science risque même bientôt d’y faire profil bas devant la religion et les athées d’y vivre un chemin de croix.

Pour faire un clin d’oeil à Cyrille Barrette, professeur émérite de l’Université Laval, même parmi les naturalistes, il y a aurait de plus en plus de surnaturalistes.

La prophétie de Leuba semble même s’inverser, car ce qu’on observe, surtout dans les milieux fondamentalistes chrétiens, c’est un acharnement sans précédent sur la théorie de l’évolution de Charles Darwin. Il faut dire que les fondamentalistes chrétiens semblent beaucoup plus agressifs que les musulmans pour combattre le darwinisme et la théorie du Big Bang, qui sont les deux sujets de discorde majeurs entre la science et les religions monothéistes.

{{Dans le monde musulman, le porte-voix du créationnisme radical est un Turc qui s’appelle Harun Yahya, auteur d’une brique pseudo-scientifique de 772 pages intitulée Atlas de la création.}} Un bouquin présentant des photographies comparatives de fossiles et d’espèces actuelles, avec comme objectif de démontrer que les animaux n’ont absolument pas changé depuis le début de la création et que, par conséquent, le darwinisme n’est qu’illusion.

Le créationnisme radical, appelé aussi «créationnisme Jeune-Terre», a eu ses heures de gloire aux États-Unis. Jusqu’en 1967, une disposition appelée le Butler Act interdisait dans le Tennessee d’enseigner toute théorie ne reconnaissant pas l’origine divine de la création. Une loi qui sera abrogée par l’État du Tennessee en 1968.

Depuis, le créationnisme a connu aussi son évolution et ses partisans ne cessent de se réinventer pour trouver leur place dans le système scolaire.

Certains d’entre eux ont d’abord pensé qu’il fallait mieux se coller à la science pour la combattre. C’est ainsi qu’est né le créationnisme «scientifique» de Henry Morris, un ingénieur baptiste qui était obsédé par la recherche de preuves scientifiques en faveur de la Genèse.

{{Les moyens de leurs ambitions}}

À la place de nier l’évolution comme le font les créationnistes radicaux et les créationnistes «scientifiques», les partisans du dessein intelligent, eux, acceptent l’idée de Darwin, mais exhibent la main de Dieu en arrière de chaque merveille de la création. Ils croient qu’une cause intelligente est plus crédible que la sélection darwinienne pour expliquer la complexité de la nature.

Jusqu’en 2005, le dessein intelligent, qui a entre autres pignon sur rue au Discovery Institute de Seattle, entretenait des liens étroits avec une fondation qui porte le nom d’un philanthrope fondamentaliste nommé John Templeton. La fondation Templeton a quant à elle trouvé une stratégie de brouillage des frontières entre la science et la religion encore plus discrète et subtile. Si une recherche favorise le progrès en «réalités spirituelles», si elle crée dans la science un espace qui permet au spirituel de se frayer un passage, ou si tout simplement un scientifique évoque le Créateur ou dit des choses sympathiques sur la religion, il peut être éligible à un généreux prix d’une valeur approximative de 1 700 000$.

Oui, les intégristes harcèlent aussi la science, et en plus de certains pays musulmans, les enseignements des créationnistes de toutes allégeances font surtout mouche dans les États de la Bible Belt américaine ,dont l’Arkansas, la Géorgie, le Mississippi, le Kansas et la Caroline du Nord. Leur force politique devient si importante que dans un avenir pas si lointain, ils auront probablement les moyens de leurs ambitions.

source : lapresse.ca par
BOUCAR DIOUF
Humoriste, conteur, biologiste et animateur, il collabore régulièrement à La Presse Débats.