Plus de trois ans après sa mise sous tutelle pontificale par Benoît XVI, et près d’un mois après le début d’un chapitre général extraordinaire chargé de remettre à plat son fonctionnement, la congrégation des Légionnaires du Christ a officiellement demandé pardon, jeudi 6 février, pour les actes commis par son fondateur, le P. Marcial Maciel (1920-2008), mais aussi pour ses propres « déficiences ».
Dans un long communiqué de cinq pages, les Légionnaires annoncent que ce chapitre a réellement entrepris d’« établir définitivement la position de notre congrégation sur les comportements du P. Marcial Maciel et sur son rôle de fondateur », évaluant « la gravité du mal et le scandale causé » et espérant « pouvoir racheter notre histoire douloureuse et vaincre par le bien les conséquences du mal ».
Sur leur fondateur, le P. Maciel, coupable de crimes de pédophilie et d’une véritable double vie, la congrégation reconnaît fermement ses « actions très graves et objectivement immorales ».
« Nous demandons pardon pour ces déficiences qui ont augmenté la douleur et l’incertitude de beaucoup »
« Nous voulons exprimer notre profond regret pour les abus de mineurs séminaristes, les actes immoraux commis avec des hommes et des femmes adultes, l’usage arbitraire de son autorité et des biens, la consommation exagérée de médicaments addictifs et l’appropriation d’écrits publiés par des tiers », soulignent les Légionnaires, expliquant combien « l’attitude incohérente de continuer à se présenter pendant des dizaines d’années comme prêtre et témoin de la foi alors qu’il cachait ces conduites immorales nous apparaît incompréhensible ».
« Nous réprouvons tout cela avec fermeté, continuent-ils. Nous regrettons que de nombreuses victimes et personnes affectées aient espéré en vain une demande de pardon et de réconciliation de la part du P. Maciel, et aujourd’hui, nous voulons faire nous-mêmes cette demande, en exprimant notre solidarité envers elles toutes. »
La congrégation n’entend pas non plus s’exonérer de la façon dont elle a mal géré les révélations sur son fondateur : « Nous reconnaissons aujourd’hui l’incapacité initiale à croire les témoignages des personnes qui avaient été victimes du P. Maciel, le long silence institutionnel et, plus tard, les hésitations et les erreurs de jugement au moment d’informer les membres de la congrégation et les autres personnes. Nous demandons pardon pour ces déficiences qui ont augmenté la douleur et l’incertitude de beaucoup ».
« Chemin de renouveau »
Pour autant, alors que des voix s’étaient fait entendre pour demander sa dissolution pure et simple, la congrégation entend bien continuer son œuvre, tout en se situant « avec humilité » dans un « processus de renouveau et de conversion » dont témoigne l’élection comme nouveau directeur général d’un Mexicain, de longue date dans la congrégation, mais qui n’y avait jamais occupé de fonction à haut niveau.
Sur ce « chemin de renouveau », les Légionnaires annoncent trois grands changements en ce qui concerne la réforme du charisme, l’exercice de l’autorité et la formation des religieux, trois domaines sur lesquels elle était fortement critiquée.
En ce qui concerne leur charisme, les Légionnaires rappellent que la congrégation a déjà expliqué « qu’elle ne peut pas proposer le P. Maciel comme modèle, ni ses écrits personnels comme guide de vie spirituelle ». « Nous reconnaissons sa condition de fondateur. Cependant, une congrégation religieuse et ses traits essentiels ne tirent pas leur origine de la personne du fondateur. C’est un don de Dieu que l’Eglise accueille et approuve et qui vit ensuite dans l’institut et dans ses membres. »
« Séparation claire entre le domaine de la conscience, le for interne et le for externe »
Ils reconnaissent qu’« une compréhension inadaptée du concept de fondateur, l’exaltation excessive et la vision acritique de la personne du P. Maciel nous ont souvent conduits à donner une valeur universelle à ses indications et à trop nous y accrocher » et annoncent que, « dans la révision des constitutions actuelles, une des tâches principales a été de séparer ce qui exprimait réellement le patrimoine charismatique de notre congrégation d’autres éléments secondaires ».
Le chapitre souligne aussi avoir constaté « certaines tendances qui nous ont empêché de bien comprendre notre charisme », citant « le manque d’insertion dans l’Église locale, ainsi que l’insistance démesurée sur notre propre effort, l’efficacité humaine, le prestige extérieur, l’accomplissement de normes minutieuses ».
Pour ce qui est de l’exercice de l’autorité, le chapitre dit avoir « cherché à introduire une séparation claire entre le domaine de la conscience (la direction spirituelle et la confession), le for interne et le for externe (la direction du supérieur et les règles de vie religieuse), pour mieux garantir la liberté et l’intimité de chaque religieux ».
« Les événements de ces années marqueront l’identité et la vie de notre congrégation »
Il souligne aussi qu’avec la suppression du vœu particulier de charité, qui poussait à ne pas critiquer ses supérieurs, « nous apprenons progressivement à partager et discuter librement avec nos frères les réflexions et suggestions sur tous les sujets qui touchent à la vie et à la mission de la congrégation ».
Enfin, pour ce qui est de la formation des religieux, le chapitre insiste sur « le besoin d’améliorer l’accompagnement vocationnel pour que les novices et les religieux fassent mûrir leur décision personnelle devant Dieu avant d’émettre leur profession religieuse ». De nombreuses critiques s’étaient élevées sur le manque de liberté des candidats à la Légion.
Pour autant, les Légionnaires reconnaissent que, si le chemin d’un « renouveau authentique et profond », selon les mots du pape François, a « progressé », il n’est, pour autant « pas encore terminé ». « Les événements de ces années marqueront l’identité et la vie de notre congrégation », insistent-ils avant, une nouvelle fois, de « demander pardon et réitérer notre effort de réconciliation envers tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont été blessés par les tristes événements de ces années et par nos déficiences ».
LA CROIX par Nicolas Senèze