Rodez. Les marabouts : escrocs ou voyants « à l’africaine » ?

C’est un vrai sujet de société que le tribunal correctionnel a examiné ce mercredi après-midi. D’un côté, des médiums et des voyants qui, à longueur de petites annonces, promettent de retrouver l’amour, la santé, le travail, voire la fortune. De l’autre, des marabouts Africains qui, sur des tracts déposés dans les boîtes aux lettres ou sur les pare-brise des voitures, assurent les mêmes pouvoirs.

Or, les plaintes contre les premiers ne sont pas légion. Les seconds, en revanche, sont souvent poursuivis pour escroquerie et abus de faiblesse. Y compris à Rodez où, hier, quatre Guinéens ont été jugés pour ce genre de faits ; l’épouse de l’un d’entre eux ayant, elle, comparu pour complicité d’escroquerie.

À ces deux chefs de prévention s’ajoutent, pour les quatre hommes, publicité mensongère et travail dissimulé. Sans oublier, pour tout le monde, une fraude à l’obtention d’allocations diverses.

Il est vrai qu’à la lecture du dossier, il y a de quoi s’interroger sur l’honnêteté des prévenus qui, entre janvier 2002 et avril 2006, ont perçu plusieurs dizaines de milliers d’euros de la part d’Aveyronnais en souffrance. Le profil de leurs victimes est toujours le même : un homme, ou une femme, dans un moment de faiblesse – séparation, perte d’emploi, maladie – ou pour des motifs plus futiles – réussite scolaire du « fiston », envie d’arrêter de fumer et de perdre du poids… – tombe sur le tract et fait appel à leurs services, moyennant paiement.

Alors, faux « marchands de bonheur » mais « vrais escrocs », comme le soutient le ministère public ? Ou « vision européenne » d’une « culture africaine » qui, en réalité, n’est guère différente des « activités commerciales » proposées par les rebouteux, les voyants et autres médiums, comme le plaide la défense ?

Pour les parties civiles, la question ne se pose pas en ces termes. Selon les cas, elles ont perdu jusqu’à 45 000 €, avec des emprunts lourds auprès auprès d’organismes de crédit. Bref, comme l’explique le substitut du procureur de la République, « ce sont des victimes, même si cela leur est difficile de venir le dire, qui doivent être reconnues comme telles ». Il requiert des peines de prison allant de 6 mois avec sursis à un an ferme.

« Ils ont proposé leurs services sans intention de manœuvre frauduleuse », assure un des avocats des prévenus. « Personne n’a obligé ces gens à consulter un marabout », ajoute une consœur quand une troisième renchérit : « La procédure ne fait pas état des clients satisfaits, pourtant, il y en a ».

Jugement le 11 mai.

LA DEPECHE / Publié le 14/04/2011 08:44 |
Compte rendu d’audience : Denis Slagmulder

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