La présence d’un mormon, Mitt Romney, dans les hautes sphères de Washington ne surprend plus guère. Celle, massive, des saints des derniers jours en RDC, loin de leur berceau américain, est en revanche plus étonnante. C’est pourtant à Kinshasa que leur premier temple en Afrique francophone devrait bientôt s’élever s’il obtient le feu vert des autorités.
La RD Congo, avec 30 000 mormons recensés, n’a rien d’une exception. La Côte d’Ivoire revendique 16 000 adeptes, le Ghana 49 000 et l’Afrique du Sud plus de 57 000. En visite à Accra en février dernier, Jeffrey Holland, membre du Collège des douze apôtres (le « gouvernement » mormon), qualifiait même l’Afrique de « nouvelle et grande frontière ».

360 000 adeptes sur le continent
En 2009, bien décidée à s’implanter sur le continent, l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours a promu au rang de soixante-dix (l’équivalent d’un secrétaire d’État dans la hiérarchie mormone) le Kényan Joseph Sitati, premier Africain à occuper ce poste. « Les mormons commencent à avoir des cadres africains capables de prendre des responsabilités et, chose importante dans l’implantation d’un groupe religieux, ceux-ci commencent à avoir des enfants élevés dans la religion mormone », explique Carter Charles, auteur de nombreux articles sur l’expansion du mormonisme.
Forte de 21 missions sur le continent, l’Église y revendique 360 000 adeptes, soit 100 000 de plus qu’en 2007, pour 14 millions dans le monde, dont 6 millions aux États-Unis. Et pour cause : plus de 50 000 missionnaires parcourent en permanence la planète. En binôme, cravate au cou, les jeunes filles donnent au prosélytisme un an et demi de leur vie et les garçons deux ans.
Cette « armée » ne manque pas de ressources. Outre le Fonds perpétuel d’éducation, qui finance des milliers de prêts étudiants y compris en Afrique, des familles américaines mormones peuvent faire le choix du parrainage. C’est grâce à ce système que Niankoro Samaké a fréquenté en 2000 la Brigham Young University, l’université privée mormone, l’un des établissements les plus cotés des États-Unis. Avant d’être élu en 2009 maire de la ville de Ouélessébougou, au Mali, et de se porter candidat à la présidentielle – qui n’aura finalement pas lieu – en 2012.

Formation
Les millions de dollars abreuvent également, depuis le siège de Salt Lake City, des ONG installées dans plus de 150 pays. Non sans attirer la critique. Sabine Trannin, qui a étudié le fonctionnement de ces organisations au Cambodge, estime que « presque la moitié de leur temps est consacrée à la formation des prêcheurs locaux ». Philippe Ryfman, chercheur à l’université de la Sorbonne, à Paris, et membre du comité de rédaction de la revue Humanitaire, se veut plus nuancé. « Les ONG mormones sont relativement prudentes, explique-t-il, il n’est pas dans leur programme de faire du prosélytisme. Ils ont des missionnaires pour ça, et cela les desservirait aux yeux de leurs partenaires. Mais ils ne dissuadent pas non plus leurs travailleurs de répandre la bonne parole, le soir, en prenant un verre… »

Pas de discrimination. Enfin…
L’Église mormone a longtemps refusé d’ordonner des Noirs, considérés comme les descendants maudits de Caïn. Si son fondateur, l’antiesclavagiste Joseph Smith, ne pratiquait pas de discrimination, la doctrine est modifiée dès sa mort, en 1844. Ce n’est qu’en 1978 que, sous la pression d’organisations de droits civiques, Spencer Kimball, président de l’Église, publie une déclaration selon laquelle tous les membres masculins peuvent être ordonnés, quelle que soit la couleur de leur peau. Une ouverture qui a cependant ses limites. Si une centaine de fidèles ont participé à la Gay Pride de Salt Lake City en 2012, l’Église mormone, au nom des valeurs traditionnelles et familiales, considère toujours l’homosexualité comme une transgression de la loi divine. M.O.

Source : Jeune Afrique

27/09/2012 à 00h:48 Par Mathieu Olivier

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