Les parlementaires spécialistes de la lutte antisectes sont vent debout contre les nouvelles orientations définies par le gouvernement, dans le cadre de la lutte contre les dérives sectaires.
Le ministère de l’intérieur entend désormais mettre l’accent sur la poursuite des cas avérés d’infractions pénales commises par des mouvements dangereux, rompant avec la politique privilégiée ces dernières années par les commissions parlementaires et la Mission de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) de désigner a priori les groupes soupçonnés de dérives sectaires.
Cette approche revient à « piétiner inconsidérément le travail rigoureux et méticuleux accompli par la Miviludes », s’indigne Jean-Pierre Brard, député (apparenté communiste) de Seine-Saint-Denis, vice-président du groupe d’études sur les sectes à l’Assemblée nationale, qui assure que les travaux des parlementaires et de la Mission « ont toujours scrupuleusement respecté les libertés publiques et la liberté de conscience ».
« Cette évolution est le fruit d’une manipulation orchestrée par des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur favorables aux mouvements sectaires, qui placent le débat sur la liberté de conscience et la religion, alors que les mouvements dangereux, aujourd’hui, n’ont plus de références religieuses », a déclaré au Monde Alain Gest, député UMP de la Somme, membre du conseil d’orientation de la Miviludes, à l’issue d’une réunion de la Mission, jeudi 7 février.
Il souhaite rencontrer le premier ministre, dont dépend la Mission, sur ce sujet. Face à ces réactions, la ministre de l’intérieur a pris la peine d’écrire, jeudi, aux associations antisectes pour les assurer qu’elle n’avait « jamais prôné la suppression » de la Miviludes.
NOUVELLES ORIENTATIONS
Les interrogations formulées à l’égard des travaux de la Miviludes sont récurrentes depuis 2005 et l’arrivée à sa tête du préfet hors cadre Jean-Michel Roulet, notamment critiqué pour ses mises en cause répétées des Témoins de Jéhovah ou de communautés protestantes, telles que les Frères de Plymouth.
Sa mise en examen, en octobre 2007, pour « diffamation », à la suite de la plainte déposée par l’association Tradition, famille, propriété a contribué à fragiliser les méthodes employées dans la lutte antisectes. Son remplacement, prévu en septembre, devrait faciliter la mise en place de nouvelles orientations.
Par ailleurs, inquiets de voir les poursuites judiciaires se multiplier après des témoignages enregistrés par les commissions parlementaires sur les sectes, les députés ont obtenu le dépôt d’une proposition de loi par Bernard Accoyer, président (UMP) de l’Assemblée nationale.
Cette proposition, qui sera examinée le 3 avril, vise à accorder aux témoins des commissions d’enquête la même protection juridique qu’aux personnes appelées à témoigner devant les tribunaux.
Stéphanie Le Bars
LE MONDE | 08.02.08 | 15h44 • Mis à jour le 08.02.08 | 15h44