Après les procureurs du gouvernement, c’était au tour des militants pour la polygamie de faire valoir leurs arguments mercredi, devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique.

Le plus haut tribunal de la province est appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 293 du Code criminel qui interdit la polygamie au Canada.

Selon l’avocat de la secte mormone de Bountiful, à l’origine de la cause, la polygamie n’est pas synonyme d’abus pour les femmes ou les enfants de cette communauté polygame.

Plus tôt cette semaine, les avocats du gouvernement ont affirmé que la polygamie entraîne de lourdes conséquences pour les jeunes de la secte de Bountiful tel des mariages forcés, l’expulsion de jeunes garçons de la communauté, des activités de traite d’adolescentes et des grossesses précoces.

Le gouvernement de la province entend d’ailleurs démontrer que la secte de Bountiful procède à des échanges de fillettes avec des communautés polygames aux États-Unis, à des fins de mariage.

Sans nier l’existence d’écarts dans ce type de communauté, l’avocat de la secte a fait valoir qu’en de pareils cas, les fautifs doivent être traduits en justice non pas parce qu’ils sont polygames, mais pour les actes illégaux qu’ils ont commis. Être polygame ne devrait pas être un crime en soi, plaide l’avocat.

{{La polygamie légalisée bénéfique pour les victimes d’excès}}

Légaliser la polygamie serait même bénéfique pour les victimes de mauvais traitements, a plaidé l’avocat George Macintosh, car cela permettrait de briser leur isolement et d’obtenir de l’aide plus facilement.

Tout au long de son exposé, l’avocat qui représente les mormons de Bountiful s’est appliqué à éloigner le débat de la situation qui prévaut dans la communauté pour traiter la question d’un point de vue plus général.

{{Une réalité historique}}

L’interdiction de la polygamie est selon lui une manoeuvre historique destinée à instaurer une vision unique du mariage.

« L’Acte de 1890 a été créé dans la ferme intention d’interdire une pratique centrale dans la foi mormone au profit de la vision chrétienne du mariage », a déclaré George Macintosh dans son allocution d’ouverture.

« La criminalisation de la polygamie a plus tard été utilisée dans la campagne coloniale menée contre la culture des peuples aborigènes pour les forcer à adopter la pratique des mariages chrétiens », a poursuivi l’avocat de la communauté mormone de Bountiful.

Invoquant l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés qui traite des « libertés fondamentales », l’avocat a expliqué à la Cour que ce qui est légal pour une personne doit l’être pour plusieurs personnes.

Selon lui, si le mariage est légal pour deux personnes, il devrait l’être pour trois personnes ou plus qui vivent en association sur une base volontaire.

{{Des audiences à la demande de Victoria}}

La Cour suprême de la Colombie-Britannique se penche sur la constitutionnalité des articles du Code criminel qui interdisent la pratique de la polygamie, à la demande du gouvernement de la province. Ces audiences s’inscrivent dans la foulée de la lutte juridique qui oppose Victoria à la secte mormone de Bountiful.

À l’instar du gouvernement provincial, Ottawa doit aussi argumenter au cours des prochains jours qu’interdire les unions conjugales multiples demeure pertinent en 2010 et qu’agir autrement entraîne des risques pour les femmes, les enfants et la société en général.

L’avocat qui représente la communauté de Bountiful est un amicus curiae (un ami de la cour), soit un avocat nommé par le tribunal pour défendre la cause inverse.

Une trentaine de témoins seront entendus d’ici la fin janvier au cours de ces audiences qui se déroulent à l’abri des caméras des médias.

D’après un reportage de Benoit Clément
Radio-Canada

http://www.radio-canada.ca/regions/colombie-britannique/2010/11/25/001-polygamie-legalisation-audience.shtml