{{interview de Roland Jacquard, président de l’Observatoire International du Terrorisme}}

Comment se constituent ces filières entre la France, l’Europe, la Syrie, l’Irak…

Essentiellement par les réseaux sociaux. Autrefois, c’était à la sortie des mosquées ou des écoles, désormais, c’est sur Facebook ou Twitter. Les jeunes filles sont recrutées par des annonces de type humanitaire : «On recherche jeunes filles pour s’occuper d’enfants torturés, maltraités, par le régime syrien…» Il y a aussi des sortes d’agences matrimoniales. Ce qui est impressionnant, c’est que depuis que le gouvernement a mis en place un numéro vert à destination des familles qui se posent des questions sur l’éventualité du recrutement de leurs enfants pour le jihad, ce sont 350 appels qui ont été reçus ! Les départs concernent 80 départements et les recrutés sont musulmans, mais aussi juifs, protestants, athées, catholiques…

Ces méthodes de recrutement ressemblent à celle des sectes ?

Exactement. Avec des gourous qui savent ce qu’ils ont à dire. Ils prennent du temps, savent détecter les personnes vulnérables, les jeunes isolés ou bien qui sont en rupture avec leur famille. Ils savent faire preuve de psychologie, et le moment voulu, font un lavage de cerveau.

Comment lutter contre ces filières de recrutement ?

C’est très difficile de lutter contre cette radicalisation. À partir du 15 septembre, on disposera d’une loi qui permet de lutter plus efficacement sur internet, il y aura une politique plus rigoureuse. Mais cette loi française comportera des restrictions qui sont liées à la liberté d’informer. De son côté, la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) va devoir recruter des ingénieurs spécialistes des réseaux sociaux. Car l’État Islamique est très en avance en la matière par rapport à d’autres organisations. Il faudra sensibiliser dans les écoles et surtout être très vigilant dans les prisons : c’est là que Nemmouche et Merah ont été recrutés ! Les surveillants ont beaucoup de mal à surveiller les conversations, qui passent par le wifi, les portables cachés… C’est l’autre champ de bataille.

source : http://www.ladepeche.fr/article/2014/09/12/1950177-les-prisons-l-autre-champ-de-bataille.html Recueilli par D. D.