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LE FIGARO

14/06/2010
Par Jean-Marie Guénois

{{Les évangéliques créent mardi une structure nationale, indépendante de la Fédération protestante de France.}}

On savait le protestantisme français multiple et varié mais les
différents appartements de sa diversité, sauf quelques exceptions,
étaient jusque-là abrités sous le toit d’une seule et large maison, la
Fédération protestante de France (FPF). Un bon siècle d’existence donnait à cette demeure une respectabilité unique dans le paysage public et politique français. Mardi matin, une nouvelle maison protestante s’installe dans le paysage des religions en France et va regrouper les deux tiers de la mouvance évangélique. Même si le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) existait sur le papier depuis quelques années, il devient aujourd’hui, à Nogent-sur-Marne, par assemblée générale constitutive, une fédération à part entière.

Pour les uns, ce conseil s’inscrit «à côté» de la Fédération protestante mais pour d’autres il apparaît déjà en «concurrence». Parmi les responsables et de part et d’autre, personne ne souhaite toutefois que la minorité protestante, estimée à 2,1% de la population française (soit 1,3 million de personnes en France métropolitaine), affiche de nouvelles divisions. On admet donc, côté Fédération protestante de France, que les évangéliques se donnent une meilleure organisation, se félicitant que la multiplicité évangélique trouve là plus d’unité, tout en regrettant les
«occasions manquées » de voir ce rassemblement évangélique s’épanouir au sein de la fédération historique.

{{«Prosélytisme»}}

On sera, en revanche, très vigilant sur la représentation vis-à-vis du
pouvoir politique du protestantisme, l’une des missions classiques de la Fédération protestante de France. Côté évangélique, on revendique une «maturité acquise» mais aussi de sérieuses différences théologiques, notamment en matière d’éthique, justifiant cette singularité. Et une plus grande marge de manœuvre avec les préfectures pour négocier la création de nouvelles implantations.

Qu’est-ce qui caractérise en effet ces «évangéliques» dont les médias ont souvent parlé à l’époque de la présidence de George Bush Jr.? S’ils se démarquent aussitôt de cet amalgame entre politique et religion, ils se reconnaissent dans une même filiation qui remonte très haut dans l’histoire de la Réforme.

La première composante est liée à la notion de baptême. On ne naît pas chrétien, on le devient par adhésion – à l’âge adulte. Ce qui suppose souvent un nouveau baptême, même pour d’anciens catholiques. Et ce qui exclut le baptême systématique des nouveau-nés. Mouvance, donc, de «re-naissance» à la foi chrétienne. La deuxième composante est pentecôtiste. Elle est caractérisée par une expression spirituelle très
spontanée, «sous la mouvance directe de l’Esprit saint». Et rompt avec l’interprétation rationnelle de la Bible propre aux réformés. On les accuse donc souvent de «fondamentalisme» parce qu’ils assurent «qu’il n’y a point d’erreur dans tout ce que la Bible affirme». Enfin, dernier marqueur, une volonté forte d’évangéliser, donc de convertir, d’où le reproche de «prosélytisme». «Plus des deux tiers de l’humanité doivent être encore évangélisés», stipule la «Déclaration de Lausanne», l’une des pierres fondatrices du Cnef.

{{400.000 personnes en France}}

En France, cette dynamique évangélique est essentiellement portée par les quatre piliers fondateurs du nouveau Cnef : l’Alliance évangélique française, la Fédération évangélique de France, les Assemblées de Dieu, les pentecôtistes et charismatiques. Sans entrer dans un dédale de sigles, il faut noter que les baptistes, fondateurs du Cnef, garderont une double appartenance avec la Fédération protestante. Mais que la mouvance des évangéliques tsigane, numériquement puissante (50 000 membres), n’a pas voulu entrer dans le Cnef et reste affiliée à la Fédération protestante.

Cette dynamique se lit surtout dans les statistiques. Au total, les
évangéliques – environ 400.000 personnes – représentent un tiers des protestants français. Alors que les six Églises historiques de la
Fédération protestante de France ont perdu 32% de leurs effectifs depuis 1959, le protestantisme français doit aujourd’hui, de facto, son maintien et sa progression relative à la seule expansion numérique des évangéliques.