Le principe : favoriser l’élimination des toxines en activant les différents organes impliqués dans cette tâche grâce à une alimentation pauvre en graisses et en sucres, faisant la part belle aux jus, infusions, bouillons. Le tout agrémenté parfois de compléments alimentaires (1).
Dans leur version modérée et sur une période courte, ces méthodes, sans avoir fait la preuve de leur efficacité, ne sont a priori pas nocives. Mais certaines vont beaucoup trop loin. Des sites spécialisés proposent des régimes très restrictifs focalisés sur quelques aliments consommés tels quels ou en breuvages (chou, citron, ananas) quand ils ne proposent pas des stages de jeûnes dits thérapeutiques, aussi coûteux que dangereux (lire Sciences et Avenir n° 783, mai 2012).
LEXIQUE
Toxine. Déchet de l’organisme qui peut avoir un pouvoir pathogène
en cas d’accumulation.
Acide lactique Acide issu de l’utilisation du glucose par les cellules pour produire de l’énergie notamment lors d’un effort physique.
Enzyme Protéine de l’organisme qui catalyse, c’est-à-dire accélère spécifiquement une réaction chimique.
Les cures détox reposent bien souvent sur un imbroglio de croyances ésotériques qui mélangent spiritualisme et nutrition » – Jean-Michel Lecerf, directeur du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille
« Les cures détox reposent bien souvent sur un imbroglio de croyances ésotériques qui mélangent spiritualisme et nutrition, dénonce Jean-Michel Lecerf, directeur du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille. Soutenir l’idée que l’alimentation nous intoxique par l’accumulation de toxines qui “encrassent” nos cellules peut encourager l’orthorexie, un trouble alimentaire grave qui correspond à l’obsession du manger sain (2). » L’idée de purifier son corps par l’alimentation est donc une hérésie nutritionnelle, mais pas commerciale, comme le souligne le Pr Simon Brookes, directeur du département de physiologie humaine de l’université Flinders en Australie (3) : « Plus les boissons et potions estampillées “détox” sont chères et mauvaises au goût, plus les gens sont susceptibles de penser qu’elles fonctionnent. Elles agissent donc avec plus ou moins de succès sur notre conscience, mais pas sur notre organisme. »
L’organisme peut éliminer les toxines tout seul
Le corps humain possède ses propres processus pour se débarrasser des composés toxiques au jour le jour(4). Ainsi, la peau participe à l’excrétion de certains déchets, comme l’acide lactique, par le biais de la transpiration, tandis que les poumons rejettent le CO2. De même, les reins filtrent chaque jour environ 180 litres de sang, produisant en moyenne 1,5 litre d’urine. C’est le foie qui fournit le travail le plus important. Il produit des enzymes qui catalysent la neutralisation des toxines (ammoniaque, déchets issus des cellules sanguines altérées…) avant leur élimination par les reins. Ce processus est appelé clairance hépatique.
L’effet détox des aliments n’a pas été prouvé
L’idée de renforcer le processus naturel de détoxification par l’ingestion de certains aliments ou extraits de plantes ne repose sur aucune donnée scientifique valable. Ainsi entre 2008 et 2012, une soixantaine d’allégations santé portant sur des plantes ou des substances revendiquant un effet « détox » ont été soumises à l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) (5) qui les a toutes rejetées, en raison d’un effet revendiqué trop imprécis, d’une relation de cause à effet non établie, ou encore d’un manque de données scientifiques. Certaines études effectuées in vitro ont certes démontré que le pamplemousse contenait de la naringine et l’ananas de la broméline, deux enzymes censées favoriser l’élimination des graisses. Mais celles-ci, respectivement situées dans l’écorce de l’agrume et la tige du fruit exotique, ne sont en fait jamais consommées ! Elles n’ont pas davantage démontré leur efficacité sous forme de compléments alimentaires (6).
Les cures monodiètes sont inefficaces
Les régimes du type « soupe au chou » et « citron-détox » ont été pointés du doigt par l’Anses (2011). Ces deux classiques se basent l’un sur un régime très hypocalorique accompagné d’un bol de soupe au chou à chaque repas, l’autre sur la consommation exclusive d’une boisson composée de jus de citron, de sirop d’érable ou de sirop de palme. L’agence les considère comme non équilibrées et pouvant entraîner des carences et des troubles du comportement alimentaire (7). Indépendamment des intérêts nutritionnels respectifs du raisin, de l’ail, du chou, du citron ou encore de l’ananas, aucun fruit ni légume ne présente de bénéfices pour la santé justifiant d’être consommé de façon exclusive. Bien au contraire, les carences en glucides et surtout en protéines qu’ils entraînent vont fatiguer l’organisme et altérer ses capacités naturelles de détoxification.
Éliminer trop d’eau peut être dangereux
D’autres plantes (feuilles de cassis, queues de cerise, pissenlit, chicorée, chiendent, fenouil, christe marine…) sont prisées pour leurs propriétés diurétiques (8). Elles favorisent en effet l’élimination d’eau et donc de toxines dans l’urine en stimulant l’action des reins. Mais, prises en excès, elles font perdre aussi des minéraux indispensables comme le potassium ou le sodium. Ces pertes peuvent entraîner des chutes de tension, de la fatigue, des crampes et une déshydratation. C’est pourquoi l’Efsa a rendu un avis négatif pour tous les produits revendiquant un effet sur la diurèse et « l’amélioration de la fonction excrétoire des reins » (9).
L’effet Yo-Yo et la reprise de poids
sont favorisés
Le fait de ne manger que des légumes, des fruits et de ne boire que des tisanes pendant des semaines entraîne évidemment une perte de poids. Mais il s’agit en grande partie d’une perte en eau qui, lorsque la cure se prolonge dans le temps, peut s’accompagner d’une perte en muscles due au manque d’apports protéiques. De plus, comme après tout régime restrictif, les kilos perdus reviennent rapidement si les mauvaises habitudes alimentaires ne sont corrigées. La prise de poids est même parfois plus importante en raison de « l’effet rebond », le corps ayant tendance à stocker (lire Sciences et Avenir n° 773, juillet 2011). En cas de diminution de la masse musculaire, celle-ci entraîne une diminution de la dépense énergétique, ce qui favorise la prise de poids dès que l’on remange.
Par Marie-Noëlle Delaby
(1) Tout sur l’alimentation : en savoir plus pour manger mieux, Marie-Hélène Salavert, éd. de Vecchi, 2012.
(2) À chacun son vrai poids, Jean-Michel Lecerf, Odile Jacob, 2013.
(3) Detox diets don’t work, expert says, Pr Simon Brookes, Flinders News, décembre 2012, consultable sur www.blogs.flinders.edu.au
(4) The Detox Delusion, In The Biologist, Pr. David Bender, Society of Biology, décembre 2011.
(5) Allégations de santé « fonctionnelles génériques » au titre de l’article 13. Disponible sur www.efsa.europa.eu
(6) Maigrir, le guide vérité, Véronique Chaouat, Eyrolles, 2011.
(7) Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement, rapport d’expertise collective, Anses, 2010. Disponible sur www.anses.fr.
(8) Plantes thérapeutiques : tradition, pratique officinale, science et thérapeutique, Wichtl M., Anton R. 2003, éd. Tec et Doc.
(9) Scientific opinion on health claims related to various food(s)/food constituent(s) claiming renal water elimination, EFSA J
source : sciencesetavenir.fr/sante